« La lutte bretonne n’est plus ce qu’elle était ? » par Dario Nardini

Prochain rendez-vous du cycle de La Fabrik’ de l’authentik’ le mercredi 9 février de 18h à 19h30 en compagnie de Dario Nardini, chercheur attaché en Anthropologie Culturelle à l’Université de Pise.

Le gouren est un style de lutte traditionnelle bretonne qui dans le dernier siècle a été transformé en sport compétitif, avec une fédération, des règles uniformes, des catégories de poids et d’âge, etc. Dans ce processus, il a quand même maintenu un lien fort avec ce que ses pratiquants appellent l’« esprit ancestrale » (c’est-à-dire authentique) de la pratique originaire. Cette « authenticité » est surtout définie aujourd’hui par son statut d’activité physique typiquement (authentiquement) « bretonne », c’est-à-dire représentative de la culture et de la tradition bretonnes ; et cette représentativité est définie à son tour par rapport aux traits culturels et aux valeurs qui ont été historiquement attribués aux concepts de « culture » et d’« identité » bretonnes (vus précisément comme des constructions historiques et sociales) et qui sont activement poursuivis et performés par les pratiquants de gouren. Parmi ces traits, une sociabilité moins égotique/hiérarchique et plus conviviale/inclusive, une attention à l’histoire, à la « tradition » et à leurs représentations comme sources d’identification collective, un rapport au paysage et à la nature comme fondement de cette histoire et de cette identité.

Le gouren continue donc à passionner parce qu’il constitue une activité capable de séduire un public contemporain intéressé par son côté sportif et compétitif mais, en même temps (et paradoxalement), parce qu’il s’oppose à la compétitivité et à l’individualisme de certains sports contemporains plus connus et médiatisés, en se proposant comme domaine de continuation des valeurs et des modèles de relations sociales plus historiques, plus traditionnels, plus humains – en un mot, plus authentiques.
  Dario Nardini est chercheur attaché en Anthropologie Culturelle à l’Université de Pise, et Professeur contractuel à l’Université de Florence et de Milan-Bicocca. Il a publié une monographie et plusieurs articles sur le gouren (lutte Bretonne), sur le surf dans la Gold Coast Australienne, et sur le Calcio storico fiorentino. Ses travaux ont gagné des prix nationaux et internationaux (le plus récent, le prix Madella du Comité Olympique Italien pour la recherche sur le sport).

Conférence organisée dans le cadre des Deizioù, organisés par Emglev Bro an Oriant.

Broderie et dentelle en Bretagne : des savoir-faire inscrits à l’Inventaire national du patrimoine culturel immatériel

Les « savoir-faire de la broderie et de la dentelle en Bretagne » viennent d’être inscrits par le ministère de la Culture à l’Inventaire national du patrimoine culturel immatériel (PCI). Une bonne nouvelle pour la sauvegarde de ces savoir-faire, une reconnaissance pour les passionné-e-s qui les font vivre au quotidien.

Dans le cadre de sa mission d’inventaire du PCI, Bretagne Culture Diversité a lancé en août 2019 la réalisation d’une enquête ethnographique sur les savoir-faire de la broderie. Face à la richesse du sujet, un groupe régional est constitué début 2020 afin de rédiger une fiche d’inventaire. Très vite, le collectif décide également d’intégrer les savoir-faire de la dentelle à la réflexion car de nombreux ouvrages en Bretagne mêlent les deux savoir-faire. Ce travail d’un an, accompagné d’ethnologues et d’historiens, a abouti à une fiche d’inventaire d’une cinquantaine de pages qui offre une riche synthèse sur ces savoir-faire.

Première réunion régionale, 1er février 2020, Lorient. Photo : Charles Quimbert, 2020.

Des savoir-faire bien vivants en Bretagne
S’il n’y a pas de spécificité technique particulière en Bretagne dans le domaine de la broderie, notamment au niveau du répertoire de points, des évolutions locales ont créé des styles particuliers et nettement reconnaissables, par la rencontre inédite de combinaisons de points, de couleurs et de motifs propres à chaque terroir.

Autre aspect spécifique : leur vitalité actuelle. Même si les années 1960 ont été une période critique avec la disparition d’une grande partie des brodeur∙se∙s et des dentellier∙e∙s, des personnes conscientes du risque de disparition de ces savoir-faire se sont alors mobilisées pour organiser leur sauvegarde. Aujourd’hui, la transmission est assurée par le biais de nombreux cours et stages dans les cinq départements ainsi qu’en-dehors de la région.

Broderie et dentelle bénéficient d’un engouement populaire, et leur renouveau, notamment dans le domaine de la création textile, leur assure une certaine renommée en-dehors de la Bretagne. La pratique touche ainsi différents âges et milieux sociaux, et l’on constate un rajeunissement global du public intéressé. Ces savoir-faire font partie de la vie de nombreuses personnes, que ce soit pour recréer des costumes, toujours portés au sein des cercles celtiques dans des contextes de représentation, ou pour créer des pièces actuelles (dans le domaine du vêtement, des accessoires de mode, de la décoration d’intérieur…), ainsi que des œuvres originales.

Boîtes d’inspiration glazig, création d’Hélène Cario. Photo : Hélène Cario, 2007.
Le cosmos, œuvre de Céline Le Belz. Point de nœud. Laine, coton, viscose, soie et fil d’or sur moire noire. Photo : Céline Le Belz, 2011.

Des savoir-faire menacés
Les acteurs de la broderie font état d’un regain de la pratique et d’un engouement populaire, qui s’inscrivent dans une mode globale des loisirs créatifs et du fait-main. Et la demande en matière de formations (cours et stages) connaît d’ailleurs une forte augmentation depuis les années 2010. Cependant, des nuances sont à apporter.

Cette vitalité ne touche pas toutes les techniques de la même manière. Le picot, par exemple, ne bénéficie pas du même engouement que les diverses techniques de broderie aujourd’hui enseignées et pourrait être menacé de disparition car son utilisation habituelle pour la création de napperons, gants, chemisiers… ne correspond plus aux goûts actuels. Par ailleurs, les praticien∙ne∙s éprouvent plus de difficulté à trouver un usage contemporain à des techniques telles que la broderie sur tulle et le filet noué et brodé, bien que certaines personnes déploient beaucoup d’imagination dans ce domaine.

De plus, le renouveau de la broderie n’est pas homogène sur l’ensemble du territoire. Les pays nantais et rennais, en particulier, bénéficient moins de la dynamique de transmission et de création actuelle, tandis que la Cornouaille et, dans une moindre mesure, le Vannetais, concentrent une grande partie des brodeur∙se∙s et des dentellièr∙e∙s.

À noter également que si les savoir-faire de la broderie et de la dentelle ont été sauvegardés, la profession de brodeur∙se est quant à elle dans une situation délicate. Aujourd’hui, très peu de personnes vivent de leur savoir-faire, et celles qui le font gagnent difficilement leur vie. Les professionnel∙le∙s ne peuvent se faire rémunérer à la hauteur des heures de travail sous peine de ne pas trouver d’acheteurs, ce qui fait de la broderie une activité peu rentable. En effet, rares sont les personnes disposées à consacrer d’importantes sommes à l’achat de pièces brodées. La broderie est donc bien vivante mais, paradoxalement, très peu de personnes en vivent.

De manière générale, bien qu’un grand nombre de personnes s’adonnent à la broderie et à la dentelle, cette pratique reste relativement invisible. La part importante du travail bénévole, invisible car non comptabilisé et non médiatisé, est à la fois ce qui a sauvé le savoir-faire à l’époque critique où il a failli disparaître et la raison pour laquelle l’ampleur de la pratique est aujourd’hui méconnue et sous-estimée.

Enfin, si la diversité des lieux d’enseignement est garant de la diversité des approches, cette offre reste cependant fragile car peu de personnes enseignent la broderie à l’heure actuelle. Et certains lieux de cours ne reposent que sur la bonne volonté d’un seul enseignant bénévole. Si d’aventure les possibilités d’apprentissage venaient à se réduire, il existerait alors un risque qu’une vision prévale sur les autres au détriment d’une diversité.

Broderie en grande section de maternelle sur le thème de l’arbre de vie de Klimt. Atelier animé par Odile Le Guyader, école Ferdinand Buisson, Quimper. Photo : Odile Le Guyader, 2016.

Pourquoi inscrire ces savoir-faire à l’Inventaire national du PCI ?
L’inscription à l’inventaire national du PCI offre une reconnaissance institutionnelle à tous les praticiens, brodeurs, brodeuses, amateurs et professionnels qui font vivre ces savoir-faire au quotidien et participent à les transmettre. Le collectif à l’origine de la fiche d’inventaire a réfléchi à des pistes de sauvegarde pour l’avenir : un répertoire des professionnel∙le∙s ; une association des brodeur∙se∙s et dentellier∙e∙s de Bretagne ; des résidences d’artistes ; des concours ; une exposition… Une dynamique régionale est amorcée. Mais ce n’est qu’un point de départ et il convient que praticiens, acteurs culturels et élus se mobilisent pour réfléchir concrètement à l’avenir de ces savoir-faire.

Télécharger la fiche d’inventaire

Offre de stage PCI à BCD

Bretagne Culture Diversité est une association de promotion et de diffusion de la matière culturelle de Bretagne et de la diversité culturelle à l’échelle des cinq départements de la Bretagne historique. Parmi ses différentes missions, elle travaille à la réalisation d’un inventaire permanent du patrimoine culturel immatériel (PCI) en Bretagne. Afin de sensibiliser un large public à cette notion, l’exposition itinérante « À la découverte du PCI en Bretagne » a été inaugurée en 2015. L’association souhaite aujourd’hui repenser cette exposition dans son intégralité.

Missions :

Sous l’autorité de la responsable du PCI et en collaboration avec le chargé des formations, de l’animation, de la médiation et de l’EAC, le/la stagiaire sera amené-e à réaliser différentes tâches :

  • Repenser l’exposition « À la découverte du PCI en Bretagne » (contenus, objets, animations, etc.) ;
  • Élaborer un cahier des charges et coordonner les échanges avec les différents prestataires ;
  • Participer à la rédaction de supports de médiation et de fiches pédagogiques.

Profil et compétences :

  • Formation de niveau master type sciences humaines et sociales, médiation ou ingénierie culturelle ou patrimoniale ;
  • Bonne connaissance du patrimoine culturel immatériel et de ses acteurs aux niveaux régional, national et international
  • Rigueur de travail et organisation impératifs ;
  • Bonne capacité rédactionnelle ;

Conditions :

  • Stage rémunéré selon la gratification en vigueur ;
  • Temps plein (35h), basé à Lorient (télétravail possible) ;
  • Début envisagé : février 2022.

Procédure d’embauche :

Les candidatures, comportant une lettre de motivation et un CV, sont à envoyer avant le 28 janvier 2022 par mail à contact@bcd.bzh

« Une histoire de Bretagne » : la nouvelle exposition itinérante de BCD

Une nouvelle exposition itinérante est désormais disponible, elle s’intéresse à l’histoire de Bretagne.

Composée de 22 panneaux, l’exposition s’organise autour de plusieurs thématiques : avant la Bretagne ; la mer ; la terre ; la Bretagne en ses frontières ; croire en (la) Bretagne ; la constitution des pouvoirs ; la contestation des pouvoirs ; la Bretagne contemporaine.

Jeu, cartes magnétiques, scénographie font de cette exposition un outil singulier pour appréhender une histoire de Bretagne…

L’exposition sera inaugurée à Rostrenen le vendredi 4 février prochain. Elle sera visible à la médiathèque de la commune jusqu’à fin mars.
Si vous souhaitez réserver l’exposition, contactez Soizick Aubry.