Photo de couverture : Alain Amet
Un lourd bilan
Les effets de la politique de modernisation de l’agriculture se manifestent de 1960 à 1990. Durant ces trente années, le bocage connaît un recul sans précédent qui, selon les communes, va de 50 % à 80 % du linéaire de haies.
Pour le seul département d’Ille-et-Vilaine, 13 000 kilomètres de haies disparaissent entre 1980 et 1995 (-38 %), soit 800 kilomètres par an.
Le recul général du bocage en Ille-et-Vilaine se traduit par des pertes allant de 50 % à 80 % des haies entre 1950 et 2000 (Aubépine 2004) : en 1950, on comptait 15 à 20 km de haies par km² ; en 2000, il ne reste plus que 4 à 10 km de haies pour cette même surface. Photographie : Photographie : Alain Amet
Constats et prise de conscience
Dès les années 1970, les déboisements excessifs donnent lieu à des inquiétudes et à des réactions sociales fortes.
Des programmes de recherches s’engagent alors, associant sciences humaines, sciences de la nature et de la terre et agronomie.
Affiches créées durant la période des remembrements intensifs en Bretagne, années 1970. Trébrivan (22), affiche d'Alain Goutal, Imprimerie Centre-Bretagne, Rostrenen. "Conservez les talus", imprimerie Chaix, Paris.
Lentement, la prise de conscience s’opère et l’intérêt environnemental du bocage est mis en évidence :
- Impact sur le paysage identitaire de la Bretagne,
- Lutte contre l’érosion sur les pentes dénudées,
- Régulation des écoulements superficiels de l’eau,
- Filtration des excès de nitrates, phosphates et produits phytosanitaires,
- Augmentation de la biodiversité animale et végétale,
- Protection des bêtes et des cultures contre le vent ou le soleil.
Dessins : Thomas Schmutz
L'état des lieux
En 1996, l’inventaire des talus de Bretagne caractérise la région rennaise comme un « maillage large à dominante de talus nus comportant des futaies souvent ajourées, assurant surtout des fonctions de brise-vent et de corridor écologique ». Talus nus et haies ajoutés y représentent 40 à 50 % du linéaire total, signe de recul du bocage.
Cette photo aérienne du secteur nord-ouest de Rennes, prise en 2003, illustre la dégradation des haies observée dans les zones fertiles. Seules subsistent des haies de ragosses qui concurrencent peu les cultures. Les arbres sont très clairsemés et âgés.
Sans régénération et replantations, ce territoire sera bientôt dépourvu de haies car les arbres, arrivant à leur limite d’âge, sont abattus sans être remplacés. Photographie : Marc Rapilliard
Le constat d’érosion du bocage et le vieillissement des haies est général, cette régression semble continuer au regard des derniers schémas bocagers engagés dans le bassin de Rennes où le linéaire des haies dégradées tourne souvent autour de 50 % en 2006. Un constat s’impose : le linéaire de haie recule moins vite mais la densité des arbres sur talus et la qualité du couvert arbustif continuent de diminuer.
Le manque d’entretien, le désherbage chimique des talus, l’absence de régénération naturelle - et de remplacement des arbres abattus - menacent de manière évidente le bocage actuel.
Des programmes de replantations insuffisants
Devant la menace qui pèse sur le devenir du bocage, des politiques dereplantation ont été instituées par les conseils généraux bretons dès la fin des années 1970. Relayés par les chambres d’agriculture, ces programmes visent à recréer un néo-bocage constitué de haies « à plat », plus rarement sur talus.
À défaut de replantations et de consolidations, les haies se dégradent, les talus s’érodent et les arbres meurent, atteints par la limite d’âge. Faute de renouvellement, le bocage actuel se déstructure lentement mais sûrement : en 1950, 1 kilomètre de talus d’émondes comportait en moyenne 200 arbres (un tous les 5 mètres) ; en 2005, 1 kilomètre de talus d’émondes comporte en moyenne 80 arbres (un tous les 12,5 mètres). Photographies : Marc Rapilliard
Malgré les efforts financiers consentis (aides aux particuliers et agriculteurs) cette politique de replantation n’arrive pas à compenser la régression du bocage, due aujourd’hui à son abandon et les haies récentes ne représentent guère que 3 % à 4 % du linéaire actuel en moyenne.