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L'évolution du XXe siècle

Les années 1950 marquent la fin de la société rurale traditionnelle et le déclin du bocage. La mécanisation, l'intensification agricole, l'électrification bouleversent profondément les exploitations. Progressivement la clôture électrique se substitue aux haies et la main d'œuvre manque pour l'entretien des arbres.

Photo de couverture : Armel Vallée

Hier providence, la haie devient contrainte et nuit aux rendements des cultures par son ombre et ses racines. Commence alors une longue période d'arrachage qui concernera autant les haies que les nombreux pommiers à cidre. Partout, les plus petites fermes disparaissent tandis que les autres accroissent leur surface.

Affiche de promotion du maïs - années 1950. Des contraintes techniques nouvelles, édictées par les techniciens, s'imposent aux agriculteurs tout juste affranchis des vieilles règles des baux, reléguant la haie loin des préoccupations agronomiques durant une trentaine d'années. Écomusée de Bresse

Le bocage très dense, dans le pays de Rennes, est un frein au développement des exploitations. Les chemins creux et les petites parcelles ne sont plus adaptés aux nouveaux engins. La politique agricole d’après-guerre, marquée par la mécanisation, vise alors à adapter les campagnes aux besoins de production de la Nation. Pour cela, les exploitations doivent regrouper leurs terres, s'agrandir, aménager de nouveaux chemins et drainer les terres mouillées pour les rendre labourables.

Affiche pour un désherbant début des années 1960. Écomusée de Bresse

La politique de modernisation de l'agriculture se traduit de 1960 à 1990, par une forte incitation aux aménagements fonciers, encore appelés remembrements. Durant ces trente années, le bocage connaît un recul sans précédent qui, selon les communes, représente 50 % à 80 % du linéaire de haies.

Pour le seul département d'Ille-et-Vilaine, 13 000 kilomètres de haies disparaissent entre 1980 et 1995, soit 800 kilomètres par an (- 38 %).

Le maïs contre la prairie permanente

Écomusée du Pays de Rennes

À partir des années 1960, l'apparition dans l'Ouest de nouvelles plantes fourragères a provoqué la disparition de nombreuses prairies naturelles. Pour éviter l'ombre portée à ces nouvelles cultures (maïs-ensilage et ray-grass) les agriculteurs procèdent à des abattages massifs puis drainent les terres humides.

Le développement de l’élevage hors-sol réduit considérablement le nombre de types de parcelles : la mécanisation permet de basculer très vite d’un type de culture à un autre. Les haies deviennent une contrainte pour l’utilisation des terres.

 

Les remembrements

Les remembrements communaux sont fréquemment invoqués en Bretagne comme responsables de la disparition des haies ; il n'en est pas de même dans le pays de Rennes où l'aménagement des structures d'exploitation a souvent été opéré par les agriculteurs eux-mêmes.

Dans ce bassin fertile, les échanges de terre à l'amiable, les achats de chemins communaux et les arasements individuels furent prépondérants. Pour certaines exploitations, des abattages massifs sont pratiqués dès 1920-1930.

À la ferme de la Bintinais, deux kilomètres de haies sont ainsi supprimés durant l'hiver 1935. Mais c’est surtout à partir des années 1960 que nombre d’exploitations pratiquent leur propre réaménagement, dans la limite du bon vouloir des propriétaires.

Le cas de la ferme du Perron (Vern-sur-Seiche)

Ferme du Perron à Vern-sur-Seiche. Rectification des fossés de drainage et plantation de maïs. Photographie : Armel Vallée

L'arrivée du « petit gris », maniable et polyvalent, est une révolution dans de nombreuses fermes bretonnes. Photographie : Armel Vallée

L'amélioration des conditions de vie

Si les paysans ont toujours porté une attention particulière aux arbres et aux haies, l’abandon soudain des pratiques traditionnelles ne doit pas surprendre. Le bocage et son cortège de contraintes d’entretien et d’exploitation sont mis au même rang que la terre battue de la salle ou les vieilles cultures si demandeuses de main d’œuvre… C’est une période de profonde mutation sociale, où les frères et sœurs émigrés en ville renvoient une image triomphale du progrès. Les syndicats agricoles multiplient les voyages d’étude dans des grosses exploitations de régions céréalières et les banques encouragent à l’amélioration de l’habitat (eau-courante, électroménager…).

Vue panoramique de la ferme du Perron à la fin des années 1950. Photographie : Armel Vallée

La condition des femmes évolue avec l’abandon des tâches les plus pénibles, qui leurs étaient réservées, et qui sont désormais de plus en plus mécanisées. Mais le progrès nécessite aussi de s’aligner sur de nouvelles façons de vivre, pour ne pas apparaître « à la traîne »…

Les publicités de cette période sont sans équivoque. Elles opposent systématiquement la masure entourée de haies fournies et de vaches faméliques, avec la maison neuve entourée d’une surface ouverte bornée uniquement par des clôtures électriques et des élevages hors-sol à l’arrière-plan. Il faudra attendre le retour des néo-ruraux, à la fin des années 1970, pour commencer à entendre un discours positif sur le bocage, et les années 1990 pour que la recherche agronomique amorce des études sur les haies…

Les produits manufacturés prennent progressivement la place des objets « faits maison », avec des bois issus des haies, et l’entretien des nouvelles machines accapare le temps consacré autrefois à la fabrication des ustensiles agricoles ou domestiques. Même le pressoir, qui faisait l’objet de tant d’attention puisqu’il appartenait au propriétaire, est remplacé par une presse mécanique ambulante ! Signe des temps, le charron devient presque partout revendeur de matériel agricole…

Comparaison de photographies aériennes de 1950 (IGN) et 2004

(orthophotographie Rennes Métropole)

Corps-Nuds : migration des arbres dans les fonds de vallée et regroupement des pommiers.

Mordelles : ouverture sans limite du paysage.

Vern : modification du parcellaire et apparition d'un néo-bocage.

Saint-Gilles : développement du bourg et des lotissements.