Auteur : Jean-Philippe Martin
La mémoire de la grève du lait est d’abord militante. Dans les années 1970, pour les Paysans travailleurs qui en soulignent le caractère novateur, c’est une référence exemplaire. Il en est de même pour ceux qui les soutiennent. Des militants influencés par le maoïsme en font une pièce de théâtre, Faut que ça bosse ! jouée dans les campagnes cet été-là. Un collectif de cinéastes de l’Université Paris VII Vincennes, Front Paysan, réalise un film, La Guerre du lait, utilisé par les Paysans travailleurs pour diffuser leurs idées. La Confédération paysanne, née en 1987, la présente comme un combat fondateur, mais le syndicalisme agricole majoritaire l’ignore.
Film ”La guerre du lait”, de Guy Chapoullié et Claude Bailblé. Source : Cinémathèque de Bretagne
Peu à peu, ce conflit devient objet d’histoire. Dès 1973, des chercheurs parmi lesquels Danièle Barres, Pierre Coulomb et Henri Nallet, constituent un recueil de documents. En juillet 1982, un reportage télévisé de FR3 Bretagne donne la parole à l’un de ses leaders. À la fin des années 1980, une sociologue, Martine Berlan, étudie les manifestations de femmes pendant cette lutte. Mais c’est surtout dans les années 2000 qu’elle donne lieu à des travaux approfondis d’historiens (Jacqueline Sainclivier, Édouard Lynch, Jean-Philippe Martin). Néanmoins, cette grève semble oubliée du grand nombre et quand, en 2009, resurgit l’idée de grève du lait, elle est portée par des paysans d’autres régions au départ.
Un renouveau mémoriel s’affirme au début du XXIe siècle. En 2017, des projections du film La guerre du lait montrent que ce combat n’était pas oublié. Les séances, qui regroupent des centaines de personnes dans le Finistère, sont animées par un militant de la grève de 1972, Jean-Charles Jacopin, et par l’un de celle de 2009, Pierrick Berthou. Elles reçoivent un bon accueil et donnent lieu à des articles dans la presse locale. Les débats sont animés. Nombreux sont ceux, comme Yvon Le Bris, ancien agriculteur à Bannalec, qui pensent que « les problèmes n’ont pas tellement changé en 45 ans ». Toutefois, les syndicats sont moins puissants et les paysans moins nombreux.