Auteur : Jean-Philippe Martin
Si la Bretagne se révéla dans les « années 1968 » une terre de prédilection pour les organisations dites « maoïstes », une organisation trotskiste, que ses militants prirent l’habitude d’appeler « la Ligue », compta, elle aussi, parmi les acteurs du champ politique breton.
Un enfant turbulent de la Jeunesse agricole catholique (JAC)
Fils de paysan, Bernard Lambert (Loire-Atlantique, 1931-1984) interrompt tôt ses études et travaille à la ferme de ses parents à partir de 17 ans. Sa formation, il la doit en grande partie à la JAC, dont il devient membre et où il prend des responsabilités régionales puis nationales et où il rencontre celle qui deviendra, en 1959, son épouse, Marie-Paule Cassagne. Ce mouvement affirme la fierté d’être un paysan qui modernise son exploitation, intègre celle-ci à l’économie générale et améliore ses conditions de vie. C’est au nom de ces principes que Bernard Lambert milite dans le syndicalisme agricole (Centre national des jeunes agriculteurs, CNJA, et Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, FNSEA) et est même élu député de la circonscription de Châteaubriant, entre 1958 et 1962.
Un syndicaliste combatif
L’essentiel de son action est cependant d’ordre professionnel. A partir de 1962, il est très actif dans son département. Il y défend, avec d’autres, la nécessité d’un regroupement des syndicats agricoles de l’Ouest et devient secrétaire général de la Fédération régionale des syndicats d’exploitants agricoles de l’Ouest. Créée en novembre 1966, la Fédération regroupe plusieurs syndicats des régions Bretagne et Pays-de-Loire. Il s’agit de défendre plus efficacement les paysans de cette région. Peu à peu, B. Lambert et une partie des syndicalistes de l’Ouest critiquent les orientations des dirigeants de la FNSEA accusés de négliger les éleveurs petits et moyens, majoritaires dans cette région, et de favoriser les grands exploitants céréaliers et betteraviers du Bassin parisien. Les tensions s’accroissent car B. Lambert et ses amis sont séduits par le mouvement de Mai 68, alors que Michel Debatisse, dirigeant majeur du syndicalisme agricole national, voit en de Gaulle l’homme de la situation. Ces militants considèrent aussi qu’il est indispensable d’établir un solide rapport de forces en s’appuyant sur des mobilisations de masse afin que les paysans puissent obtenir satisfaction de leurs revendications. Ils sont favorables à des alliances avec d’autres catégories sociales, en particulier les ouvriers. Enfin, ils se rapprochent de paysans contestataires d’autres régions donnant naissance à la tendance Paysans-travailleurs.
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