Auteur : Yves-Marie Evanno
Avec un grand départ à Angers et une première arrivée d’étape à Saint-Brieuc, la première semaine du Tour de France 1972 semble tracée pour Cyrille Guimard. Malgré une accusation de « doping » tombée à quelques heures de l’entame de l’épreuve, le Breton ne se détourne pas de son objectif : porter le maillot jaune sur ses terres. C’est ce qu’il parvient à faire en s’imposant brillamment à Saint-Brieuc. Comble du bonheur, il vient chiper la tunique de leader à Eddy Merckx qui, selon les observateurs, souhaitait pourtant disputer l’intégralité de l’épreuve paré de jaune. L’entame est idéale pour Cyrille Guimard. De leurs côtés, les Français se mettent soudainement à rêver. Septième du classement général l’année précédente, tous espèrent voir le Breton venir rompre le règne du coureur belge qui, à l’époque, souffre d’un réel déficit de popularité dans l’hexagone. Le directeur sportif de Cyrille Guimard se sent alors obligé de tempérer les attentes des supporteurs en rappelant que l’objectif de son équipe est « seulement » de conserver le maillot jaune jusqu’aux Pyrénées.
Sans surprise, Cyrille Guimard y perd la précieuse tunique. En revanche, il y remporte l’admiration du public. En effet, le Breton parvient à tenir tête aux meilleurs cyclistes de l’époque à l’exception d’Eddy Merckx qui, une nouvelle fois, domine outrageusement l’épreuve estivale. Plus les jours passent et plus le Breton semble prendre de l’assurance. Au plus grand plaisir des supporteurs, il remporte les deux dernières étapes alpestres à Aix-les-Bains puis, le lendemain, au mont Revard au terme d’une étape de seulement 28 kilomètres. Il y devance le « Cannibale » qui, sûr de lui, avait pourtant levé les bras sur la ligne d’arrivée. À trois jours de l’arrivée, les dés semblent définitivement jetés : Eddy Merckx remportera à coup sûr le Tour de France et Cyrille Guimard montera sur la deuxième marche du podium avec, en prime, le maillot vert sur le dos. Mais le sort en décide autrement. Une douleur au genou se réveille au sortir des Alpes. Sur la route, il peine à suivre le peloton. Les piqûres qui lui sont administrées sur le bord de la route, afin de soulager sa souffrance, ne suffisent pas. Pire, elles relancent les suspicions de dopage qui, trois semaines plus tôt, entachèrent la réputation du Breton. Le 21 juillet, à trois jours de l’arrivée à Paris, le maillot vert jette finalement l’éponge. La dramaturgie accompagnant l’abandon du Breton ne fait que renforcer sa popularité. Le public français voit alors en lui celui qui parviendra peut-être à mettre un terme à la domination du « Cannibale ». Lui-même semble désormais y croire. Une semaine après son abandon, dans les colonnes du quotidien Ouest-France, il estime « avoir prouvé » qu’il était « capable de gagner » la Grande Boucle. C’était sans compter son genou qui le privera de la carrière qui semblait pourtant s’offrir à lui.
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