Auteur : Patrick Galliou / mai 2022
Les « migrations bretonnes » de populations venues de l’île de Bretagne vers la péninsule armoricaine sont l’un des sujets les plus complexes qu’ait à traiter l’historien de l’actuelle Bretagne. La raison principale, outre l’absence de données archéologiques, en est le petit nombre et le caractère obscur des textes plus ou moins contemporains qui en font état.
Le plus connu des textes disponibles est le passage du De Excidio Britanniae (« Sur la ruine de la Bretagne ») où, vers 540, Gildas évoque la fuite de Bretons insulaires devant l’invasion saxonne : « D’autres émigraient de l’autre côté de l’Océan, avec beaucoup de tristesse ; sous les voiles gonflées, ils chantaient non des refrains de marins mais ce psaume : “Tu nous as livrés comme des agneaux aux bouchers, et tu nous as dispersés parmi les nations” » [Ps 44].
La critique moderne a souligné combien la fulmination de Gildas contre les puissants, tissée d’emprunts bibliques, n’avait que peu de rapports avec l’histoire véritable. Ainsi, outre le fait que la phrase de Gildas ressemble plus à une image empruntée au Livre qu’à une authentique description historique, n’indiquant en rien d’où seraient partis ces Bretons et où se situait leur point d’arrivée, il faut noter que les Saxons n’avaient pas encore conquis l’Ouest de la Bretagne insulaire à l’époque où les émigrés – que la tradition fait venir de cette région – étaient censés avoir fait voile vers l’Armorique.
Au premier concile de Tours (461) siégeait Mansuetus, « évêque des Bretons », dont on ne sait s’il exerçait son ministère sur des Bretons armoricains, tandis qu’en 469, Sidoine Apollinaire (430-486) mentionne la présence, sur la Loire, d’une armée de 12 000 Bretons menée par leur roi Riothamus, venue par mer pour combattre les Wisigoths dans le Berry. Rien ne permet de savoir non plus d’où venaient ces Bretons, ni ce qu’il en advint après leur défaite à Déols. De même, les historiens ne sont pas convaincus que la lettre adressée par trois évêques aux prêtres Louocatus et Catihernus entre 509 et 521 concerne effectivement des Bretons immigrés.
Les choses se font en revanche un peu plus claires à partir du milieu du VIe siècle. Grégoire de Tours mentionne alors les affrontements entre Francs et chefs bretons, et le concile de Tours de 567 fait la distinction entre Romains et Bretons installés en Armorique. En 826-828, Ermold le Noir, dans un poème adressé à Louis le Pieux, fait état de la conquête par les Bretons de la péninsule armoricaine. Puis, au début du siècle suivant, l’auteur anonyme de l’Historia Brittonum explique que les Brittones Armorici sont les soldats de l’usurpateur breton Maxime (383-388), établis en Armorique après la défaite de ce dernier.
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