5.2

Le chêne pédonculé, un arbre providentiel

Le chêne pédonculé possède une particularité physiologique que la société rurale s’est empressée de mettre à profit : sa capacité à émettre de nombreuses repousses après émondage. Particulièrement vigoureux, l’arbre développe en effet une multitude de bourgeons autour des cicatrices formées par la coupe des branches, au point de former des bourrelets appelés « brognes ».

Photo de couverture : Alain Amet

Quant aux repousses éparses, issues des bourgeons dormants situés sous l’écorce, elles se ramifient et sont exploitées ensuite pour le fagotage.

Les lames minces pratiquées dans le bois d’un chêne émondé montrent des cernes rapprochées les années qui suivent la coupe, signe de l’affaiblissement du chêne, qui dispose de moins de feuilles. Cette fatigue de l’arbre est particulièrement visible les deuxième et troisième années où l’arbre ne fait pas de bois d’automne : couvert de feuilles, c’est pourtant à ce moment qu’il est le plus en difficulté.

Les repousses qui apparaissent dans les premières semaines après l'émondage redonnent vie au tronc nu, semblable à un arbre mort. Photographie : Alain Amet

La régularité des cycles d’émondage apparaît indispensable pour permettre aux arbres de supporter et même de s’accommoder de ce traitement. Un cycle trop court ne permet pas à l’arbre de reprendre son rythme de croissance et de reconstituer ses réserves. Un cycle trop long permet à l’arbre de créer des branches plus fortes, recherchées par l’exploitant, mais qui modifient le parcours de la sève au niveau du tronc et laissent des plaies excessives après l’émondage.

Enfin, un arbre autrefois émondé et laissé libre aujourd’hui, compte trop de branches, plus qu’il ne peut en porter. Certaines dépérissent, et l’intervention coûteuse d’un élagueur devient indispensable pour redonner à l’arbre une structure viable et supprimer les parties mortes, favorables à l’intrusion de parasites.

Coupe et lame réalisées dans un tronc de ragosse de chêne. Ecomusée du Pays de Rennes

L’usage du « tire-sève » (« tire-jus »), fréquent dans certains secteurs d’Ille-et-Vilaine, consiste à conserver lors de l’émondage une seule branche au sommet de l’arbre, sensée continuer à l’alimenter en sève. Cette pratique est aujourd’hui remise en question par les botanistes, alors qu’elle se répand de plus en plus face à la pression des riverains émus par l’image funeste que livre un tronc totalement nu, les premières semaines suivant l’émondage.

Le tire-sève est une source éternelle de débats entre émondeurs... Seul point d'accord : il ne doit pas ressembler à un arbuste posé sur un vieux tronc, comme sur la gauche de cette image. Photographie : Marc Rapilliard

Il semble que le tire-sève – en fait les bourgeons terminaux de ses rameaux - émette des hormones qui limitent le réveil des bourgeons dormants, et par conséquent freine la reconstitution de la surface foliaire initiale de l’arbre. Ce traumatisme peut provoquer la dégénérescence plus ou moins rapide de la ragosse et entraîner des conséquences inverses à celles recherchées… Ce phénomène est malheureusement facile à vérifier dans le bocage, où de nombreux arbres présentent des signes de fatigue, accentués parfois par des émondages trop fréquents aux abords des chemins agricoles ou des bâtiments, et par des épisodes climatiques de sécheresse.

Dans les secteurs urbanisés, c’est aussi l’amputation du tissu racinaire, suite à des excavations (voiries, réseaux…) qui amène les mêmes effets.