La statue du Bocenno dans l’histoire
Un écho exceptionnel
Si la relance d’un pèlerinage à la suite de la découverte d’une « image » n’est pas rare dans la Bretagne du XVIIe siècle, l’impact est ici exceptionnel. Dès le lendemain, la foule accourt aux pieds de la statue présentée dans une hutte de branchages. Son caractère providentiel est défendu par les Capucins, qui concluent à la sincérité de Nicolazic, mais le clergé local et l’évêque de Vannes sont pour le moins réservés. L’attrait du lieu ne se dément pas et balaie peu à peu les réticences. À partir de 1628, le site accueille un couvent de Carmes réformés qui encadrent fermement la dévotion : accueillants aux miracles rapportés par les pèlerins, qu’ils consignent dans des registres, les religieux veillent à prévenir tout dérapage superstitieux et à contrôler les réjouissances profanes lors de « l’assemblée » de 26 juillet (en vannetais, on ne dira « le pardon » qu’au XIXesiècle). Dans ce but, ils ferment l’espace du pèlerinage par la Scala Sancta. Les récits de miracles – près de 1300 jusqu’en 1684 – montrent l’attrait du lieu sur toute la Bretagne – bretonnante et francophone – et même au-delà. La reine Anne d’Autriche, épouse de Louis XIII, fait don d’une relique et le couple royal y sollicite la naissance de l’héritier tant attendu. Foyer de mysticisme moderne enraciné dans un passé ancien, recours des marins et des familles à la « bonne grand-mère », pèlerinage breton mais aussi lié à la monarchie française, Sainte-Anne-d’Auray puise dans ces multiples dimensions la clé de son succès.
Un haut lieu de la Bretagne
Malgré un recul relatif au XVIIIe siècle – compensé par l’essor d’autres pardons comme Sainte-Anne la Palud après 1760 – Sainte-Anne connaît un second âge d’or au XIXe siècle. Les jésuites n’y séjournent que brièvement (1815-1828) mais ils y posent de solides fondations : le Petit Séminaire fondé en 1815 fait de Sainte-Anne le lieu d’enseignement qu’il demeure aujourd’hui. Les pèlerinages reprennent leur essor autour de la nouvelle statue. Dans les années 1860, après la visite de Napoléon III, la construction de la basilique et la reconfiguration du site, l’arrivée du chemin de fer… portent la fréquentation à son zénith. Quoique extérieur au sanctuaire, le monument au comte de Chambord illustre la mémoire royaliste mais Sainte-Anne-d’Auray se veut surtout la capitale spirituelle de la Bretagne aux prises avec la République laïque. En 1913, les évêques bretons officialisent le titre de sainte Anne « patronne de la Bretagne ». Au lendemain de la guerre 1914-18, la commémoration des 130 000 morts bretons adjoint une nouvelle dimension, sacrificielle, qu’exalte le Mémorial inauguré en 1932. Au fil du XXe siècle, Sainte-Anne-d’Auray reste un pôle dynamique du catholicisme en Bretagne (en particulier en 1996 lors de la visite du pape Jean-Paul II et à chaque pardon du 26 juillet) en même temps qu’un lieu de fécondité culturelle et artistique qu'illustre l'Académie de Musique et d'Arts sacrés.