Au milieu du XIXe siècle, malgré l’ouverture du canal de Nantes à Brest en 1842, la Bretagne reste en marge des grandes mutations qui commencent à bouleverser l’économie et la société françaises. Les moyens de communication sont limités car le réseau routier est alors de mauvaise qualité et en partie impraticable l’hiver.
On élabore donc des projets pour relier la Bretagne à Paris avec le moyen de communication le plus moderne à l’époque, le chemin de fer. Les préoccupations politiques et stratégiques, pour assurer une relation plus rapide et plus sûre avec l’arsenal de Brest et exercer un meilleur contrôle sur une région qui s’est montrée rebelle à plusieurs reprises, ne sont pas étrangères à cette démarche.
La construction des lignes bretonnes
Depuis que le train est arrivé en gare de Rennes en 1857, la conquête de l’ouest français a franchi une étape décisive. Mais il reste à désenclaver l’ensemble de la péninsule armoricaine. Pour ce faire, deux compagnies privées vont se partager la construction et l’exploitation des voies, la Compagnie de l’Ouest, au nord, et celle de Paris-Orléans (PO), au sud. Le chemin de fer relie ainsi le réseau des principales villes et les ports sans passer par un centre moins peuplé et plus vallonné.
La loi du 2 mai 1855 avait donc concédé la ligne de Nantes à Châteaulin, avec embranchement sur Napoléonville (Pontivy) à la Compagnie PO. D’après le décret de concession, la compagnie avait jusqu’en 1872 pour mettre la ligne en exploitation. Mais du fait de la rivalité entre compagnies, les travaux devancent le calendrier. Lorient est atteint en 1862, Quimper en 1863, puis les travaux se poursuivent jusqu’à Châteaulin, qui est desservi en 1864, alors que, en raison des obstacles (en particulier le viaduc de Morlaix), Brest ne l’est qu’en 1865 par la Compagnie de l’Ouest.
L’inauguration de la section, à voie unique, entre Quimper et Châteaulin, a lieu le 12 décembre 1864. Il reste désormais à rejoindre Landerneau afin de raccorder les deux lignes bretonnes avec une ligne à voie unique.
L’achèvement : une prouesse technique
La construction de ce dernier tronçon de la ligne présente de grandes difficultés car le parcours est accidenté. Il existe une série de vallées profondes, séparées entre elles par les contreforts des monts d’Arrée, dont les sommets suivent la direction générale de la voie ferrée et s’avancent jusqu’à la rade de Brest. Il avait d’abord été question de la remplacer, entre Châteaulin et Brest, par des bateaux à vapeur naviguant sur la rivière de l’Aulne puis dans la rade de Brest. Mais une étude avait montré les nombreux inconvénients que cela présentait en termes de transbordement et de fiabilité, et un décret du 6 juillet 1863 lance la construction de la voie.
Cela explique que la longueur entre les gares de Châteaulin et Landerneau est de 53 kilomètres alors que la distance par la route est de 43 kilomètres. Pour le passage des points hauts et surtout pour la traversée des obstacles, cinq grands ouvrages d’art sont élevés : le viaduc de l’Aulne (Guily Glas à Port-Launay), de 357 mètres de longueur pour 54 de hauteur, dont le seul rang d’arches (alors qu’habituellement, même sur le viaduc de Morlaix moins haut, on en bâtit deux) lui donne un caractère exceptionnel ; le viaduc de la Doufine, de 222 mètres de longueur et 40 de hauteur ; le tunnel de Neiz-Vran, de 431 mètres de longueur ; le viaduc de Daoulas, de 357 mètres de longueur et 37 de hauteur ; le pont sur l’Elorn, à Landerneau, de 47 mètres de longueur et 12 de hauteur.
Parallèlement, de grands terrassements sont réalisés : 2 590 000 mètres cubes de terre et roches sont déplacés. En certains points, ils sont considérables : les tranchées les plus profondes font 17 mètres, et les remblais les plus hauts 27 mètres.
Ces chiffres impressionnants expliquent que les moyens humains mis en place sont énormes : 2 982 ouvriers sont employés au moment de la plus grande activité, avec une moyenne de 1 900 environ. Cela explique la rapidité des travaux : le viaduc de Daoulas est élevé en quatorze semaines.
Une ouverture aux conséquences contrastées
La voie Landerneau-Châteaulin est mise en service le 16 décembre 1867, concrétisant plus de dix ans d’efforts. La gare de Landerneau est commune aux deux compagnies, qui s’entendent pour garantir, dans la mesure du possible, une cohérence dans la liaison entre les deux voies. Ce réseau principal, qui contribue à un renforcement de l’intégration économique et culturelle de la Bretagne occidentale, va peu à peu s’étoffer. En effet, seul le littoral est facilement accessible, la Bretagne intérieure reste défavorisée du point de vue des transports. À partir des années 1890, un réseau d’intérêt local à voie métrique est mis en place pour mailler le territoire. Ce sera le réseau le plus dense de France et c’est donc à ce moment que le train deviendra véritablement un outil de désenclavement mais aussi d’exode pour la Bretagne.