Une longue tradition de concours
La tradition de concours de sonneurs par couple n’est pas nouvelle en Bretagne, et c’est par dizaines qu’on les a recensés depuis le XIXe siècle.
La fondation de l’association Bodadeg ar Sonerion (Assemblée des sonneurs de Bretagne) allait en perpétuer l’organisation, tout en les institutionnalisant, dès la fin des années 1940. En 1949 fut organisé à Quimper, dans le cadre des Fêtes de Cornouaille, le premier concours des meilleurs sonneurs de Bretagne, destiné tant aux couples de sonneurs qu’aux ensembles nouvellement apparus dans le paysage musical breton, les bagadoù. Les sonneurs concourant dans la catégorie « couples » faisaient alors aussi bien usage du biniou koz que du biniou braz, imaginé par Dorig Le Voyer.
Il était prévu que ce concours serait bisannuel, et se tiendrait à Quimper. La ville n’accueillit en fait ce concours qu’une fois. Les épreuves destinées aux bagadoù partirent pour Quimperlé dès 1951, et celles destinées aux couples de sonneurs prirent quelques années plus tard la direction de Gourin.
Le concours s’installe à Gourin
Le choix de Gourin s’explique par le fait qu’une chapelle y est dédiée à saint Hervé, tenu en Bretagne pour le patron des musiciens. C’est sur le placître de celle-ci, érigée dans la campagne, non loin de la route qui mène à Carhaix, qu’à partir de 1955 se retrouvèrent les couples de sonneurs, à l’occasion du pardon de leur saint patron, sans qu’il soit originellement question de compétition entre eux.
C’est en 1957 que fut donc organisé le premier concours gourinois des « Meilleurs sonneurs de Bretagne », connu ensuite comme « Championnat de Bretagne des sonneurs par couple ». Comme à Quimper quelques années plus tôt, les couples de sonneurs « koz » et couples de sonneurs « braz » y concouraient dans une seule catégorie. Ce n’est qu’en 1964 qu’ils furent dissociés.
Une période difficile
À la charnière des années 1970 et 1980, suite à une série de dissensions diverses, il fut décidé que le championnat deviendrait itinérant, et aurait lieu chaque année dans une nouvelle localité. Ce fut donc en 1979 à Pluvigner, dans le Morbihan, puis en 1980 à Lanrivain, dans les Côtes-d’Armor. En 1981 aucune épreuve ne fut organisée, et il devint impératif de revenir à Gourin. L’année suivante, le concours retrouva son lieu originel, qu’il n’a plus quitté depuis.
Peu à peu, devant le succès remporté par cette épreuve, les organisateurs furent amenés à organiser des éliminatoires. Ceux-ci ont lieu terroir musical par terroir musical, en Basse comme en Haute-Bretagne, le plus souvent dans le cadre de fêtes traditionnelles.
Le jour même du championnat, chaque couple est tenu d’interpréter une pièce dans chacun des trois grands genres fondamentaux de la musique sonnée de Bretagne : marche, mélodie et danse. Les deux premières épreuves ont lieu le dimanche matin, la troisième, assurément la plus populaire et la plus fréquentée dans la mesure où elle permet au public de participer au grand fest-deiz auquel elle donne lieu, se déroule l’après-midi.
Afin d’assurer un maximum d’impartialité des juges, il faut donc constituer six jurys, principalement anciens sonneurs ou sonneurs en activité. Au terme des épreuves sont désignés les champions de l’année : un couple de sonneurs en catégorie koz, un en catégorie braz.
Au château de Tronjoly
Depuis 1992, les épreuves ont quitté le site de la chapelle Saint-Hervé, pour être transférées sur le domaine du château de Tronjoly, propriété de la ville de Gourin. Son parc est à même d’accueillir, chaque premier week-end de septembre, l’ensemble des rencontres réparties sur des sites suffisamment distants les uns des autres pour assurer à chacun une bonne qualité d’écoute.
De surcroît, les festivités se sont développées, prenant le nom de Championnat de Bretagne de musique traditionnelle, et se déroulant désormais sur trois jours. Des concerts sont organisés dès le vendredi soir, et le championnat de Bretagne des sonneurs par couple n’est plus le seul concours. Parallèlement à celui-ci, a lieu par exemple le samedi un concours de couples de musiciens d’une même famille — quel que soit leur degré de parenté — libres d’utiliser les instruments de leur choix, qu’ils soient ou non de tradition bretonne. C’est encore l’occasion d’un grand spectacle qui a lieu le dimanche après-midi dans un théâtre de verdure, auquel participe en règle générale un grand bagad ou un grand cercle celtique. Et bien évidemment, les festivités s’achèvent sur un grand fest-noz au cours duquel sont communiqués les résultats du championnat, et sacrés les champions de l’année.
Au palmarès se retrouvent bien des grands noms de la musique bretonne. Le plus titré des lauréats est Jorj Botuha, talabarder (joueur de bombarde) du Vannetais, notamment plusieurs fois champion « braz » en compagnie de Pascal Guingo. On peut y lire les noms d’Alan Cochevelou, dit Stivell, qui remporta quelques titres en compagnie de son compère Youenn Sicard à la fin des années 1960 ou encore celui de Roland Becker, plusieurs fois champion en compagnie d’Hubert Raud.
Tout cela concourt indéniablement à faire de « Gourin » un rendez-vous auquel apprécient de se rendre les amateurs de musique bretonne, en nombre, toutes générations confondues, une fois repartie la foule touristique de l’été.