Le 6 avril 1917 marque assurément une rupture dans l’histoire de la Grande Guerre, et des Etats-Unis. Ce jour-là, le Sénat américain vote – par 82 voix contre 6 – la déclaration de guerre à l’Allemagne proposée par le 28e président des Etats-Unis, Woodrow Wilson. Ce faisant, en décidant de s’impliquer dans les affaires du « vieux continent », le pays rompt avec sa traditionnelle politique isolationniste.
Pour autant, il convient de ne pas se leurrer. Les Etats-Unis restent un pays à part et tiennent à le faire savoir. Ainsi, ils n’intègrent pas l’Entente constituée par la France, la Grande-Bretagne, la Russie puis, à partir de 1915, l’Italie, mais y sont juste associés. Malgré un potentiel militaire quasi nul – il leur faut créer une armée de toute pièce à la suite de l’entrée en guerre votée le 6 avril 1917 – et un poids diplomatique modeste, Washington entend parler d’égal à égal avec Londres et Paris.
Cette prétention peut surprendre. Longtemps, les historiens ont interprété cette entrée en guerre comme le résultat de manœuvres malheureuses de l’Allemagne : le drame du paquebot Lusitania coulé en 1915 et, plus globalement, la reprise de la guerre sous-marine à outrance au début de l’année 1917 mais aussi la nébuleuse affaire du « Télégramme Zimmerman ». Berlin promet en effet son aide à Mexico en cas d’attaque des Etats-Unis par le Texas, l’Arizona et le Nouveau-Mexique… Toutes ces grilles de lecture ont en commun de classer Washington parmi les neutres au cours de la période 1914-1917. Or cette interprétation n’a aujourd’hui plus cours. En effet, lorsqu’on observe les balances commerciales et du crédit des Etats-Unis lors des trois premières années de la Grande Guerre, on remarque qu’elles trahissent en réalité un soutien massif à la Grande-Bretagne et à la France. Certes non-belligérant, Washington n’est pour autant pas complètement neutre…