Hymne du MLF dit aussi Hymne des femmes. Sur l’air du Chant des marais
Nous qui sommes sans passé, les femmes,
Nous qui n’avons pas d’histoire,
Depuis la nuit des temps, les femmes
Nous sommes le continent noir.
Refrain
Levons-nous femmes esclaves
Et brisons nos entraves
Debout (bis)
Asservies, humiliées, les femmes,
Achetées, vendues, violées ;
Dans toutes les maisons, les femmes,
Hors du monde reléguées.
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Seules dans notre malheur, les femmes,
L’une de l’autre ignorées ;
Ils nous ont divisées, les femmes,
Et de nos sœurs séparées :
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Reconnaissons-nous, les femmes,
Parlons-nous, regardons-nous ;
Ensemble on nous opprime, les femmes,
Ensemble révoltons-nous !
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Le temps de la colère, les femmes,
Notre temps est arrivé :
Connaissons notre force, les femmes,
Découvrons-nous des milliers !
L’Hymne du MLF dit aussi Hymne des femmes est écrit au début de l’année 1971 par une dizaine de femmes du groupe Les Petites Marguerites. Celles-ci se rassemblent pour la première action spectaculaire le 26 août 1970 devant l’Arc de Triomphe pour rendre hommage à la femme du soldat inconnu. Le 28 mars 1971, elles rendent hommage aux femmes de la Commune de Paris en se rendant au Square d’Issy-les-Moulineaux et en entonnant la chanson qu’elles viennent de composer.
Celle-ci naît de réunions d’écriture auxquelles participent Cathy Bernheim, Josiane Chanel, Josée Contreras, Catherine Deudon, Antoinette Fouque, Hélène Rouch, M.-J. Sinat, Gille Wittig et Monique Wittig. Il s’agit de moments de travail collectif et festif pendant lesquels sont écrits des chansons mais également des slogans, des tracts ou encore des articles. Écrivaine prolifique et lauréate du prix Médicis en 1988, Christiane Rochefort accueille parfois le groupe dans sa maison, à Concarneau.
L’Hymne du MLF est un appel à la sororité (équivalent féminin de fraternité) et au rassemblement face à l’asservissement. Les militantes dénoncent l’absence des femmes dans l’Histoire. Cet hymne est aujourd’hui repris dans les manifestations féministes francophones mais aussi dans des événements populaires tels que la Coupe du monde féminine de football au Roazhon Park de Rennes, le 11 juin 2019, avant le match Chili-Suède.
Polémiques
L’Hymne des femmes, écrit sur l’air du Chant des marais, peut être perçu comme une récupération, voire un détournement de l’œuvre composée par des communistes allemands internés en 1933 par les nazis tout juste arrivés au pouvoir. Josée Contreras, qui a proposé cet air en 1971, explique avoir choisi un chant connu et facile à interpréter, sans avoir conscience de l’histoire que cela pouvait réactiver. L’Hymne du MLF est également critiqué par des militantes afroféministes qui dénoncent l’utilisation de concepts racistes et la non prise en compte de la domination raciale dans deux lignes de la chanson : « Levons-nous femmes esclaves et brisons nos entraves » et « Nous sommes le continent noir ». La référence à l’esclavage occulterait le fait que les blanches ont fait partie du système de domination raciale tandis que la référence au continent noir est une métaphore raciste empruntée par Sigmund Freud à Henry M. Stanley pour désigner la sexualité féminine dans Psychanalyse et médecine de 1925. Ces lignes caractérisent à la fois la présence d’un langage et d’une culture psychanalytique chez certaines féministes mais aussi un raisonnement par analogie entre systèmes de domination.
L’hymne du MLF ne doit pas occulter la diversité des chansons féministes écrites et chantées pendant la décennie 1970, y compris en Bretagne où il est difficile d’en trouver trace. Distribuées comme tracts pendant les manifestations, elles n’ont pas ou peu été conservées. Voici un exemple de chanson brestoise, composée pendant les années 1970 et chantée sur l’air de L’Âge d’or de Léo Ferré :