Que le cinéma soit en prise directe avec le feu n’est pas étonnant. Depuis sa naissance, cette industrie du divertissement produit de nombreux films « catastrophe » afin de tenir en haleine le public et de permettre aux spectateurs de s’échapper pendant quelques dizaines de minutes de leur quotidien. Mais, en cette soirée du dimanche 12 avril 1931, dans la confortable salle du cinéma Omnia de la place du Carthage à Rennes, aujourd’hui place du Calvaire, la réalité dépasse très largement la fiction.
À cette époque, les films sont encore interrompus par un entracte, pour que l’opérateur puisse changer les bobines de l’appareil de projection. Pendant ce temps, les spectateurs quittent la salle et, indique le quotidien catholique rennais L’Ouest-Éclair qui relate les événements avec précision, prennent l’air dehors, sur la place. C’est à ce moment qu’ils découvrent des flammes surgissant d’un appartement mitoyen. Comme dans le plus haletant des films catastrophe, le feu ne cesse de gagner du terrain. Deux heures après le début du sinistre, le cinéma n’est plus qu’une ruine et l’impressionnante coupole qui surmontait l’édifice s’effondre.
Mais le scénario de ce fait divers, digne des plus captivantes productions hollywoodiennes, ne serait pas vraiment complet sans victimes innocentes et prisonnières des flammes. Comme dans une sorte d’anticipation de La Tour infernale, célèbre film sorti en 1974, quatre jeunes scouts « qui revenaient d’une sortie dominicale » organisent l’exfiltration en rappel d’une femme et de son bébé de quatre mois, prisonniers d’un immeuble adjacent en train de se consumer. Quelques instants plus tard, c’est un couple endormi ainsi qu’une veuve qui sont sauvés par trois autres personnes venues s’assurer que l’édifice était vide.
Le feu, lui, n’est éteint qu’au bout de six heures d’un âpre combat. Si le bilan humain est très léger – un seul pompier est légèrement blessé –, l’ampleur des destructions est considérable. D’ailleurs, la presse n’hésite pas à affirmer qu’il s’agit là du plus dramatique incendie qu’ait connu la ville depuis 1921 et la destruction du palais Saint-Georges.