La fin des guerres de Religion en Bretagne ? - Printemps 1598
Au printemps 1598, la signature de trois textes importants, l’édit d'Angers, l’édit de Nantes et la paix de Vervins, marque la sortie des guerres de Religion, pour la Bretagne et le royaume de France. Mais les contemporains ont-ils conscience sur le moment de vivre une rupture nette ? Comment peut-on organiser l'amnistie et l'amnésie pour se réconcilier ? Des questions auxquelles l’historien Alexandre Lepesteur se propose de répondre dans cet épisode.
Alexandre Lepesteur est docteur en histoire de l'Université Rennes 2. Il est spécialiste du 16e siècle et a soutenu une thèse intitulée Entrer en paix. La sortie des guerres de Religion en Bretagne (1598-années 1610. « C'est justement ça qui m'intéressait, de comprendre quand on fait la paix, quand on signe le texte officiel, comment concrètement dans le cadre d'une guerre civile, on ne se réconcilie pas forcément mais on réapprend à vivre ensemble. Simplement en reconstruisant cette espèce d'ordre social qui a été brisé. Comment fait-on ? »
En 1589, le gouverneur d'alors, le duc de Mercoeur, prend fait et cause pour les catholiques zélés, les ligueurs, qui s'opposent aux catholiques fidèles au roi Henri IV, les royalistes. C'est ce que l'on appelle les guerres de la Ligue. Pour les historiens bretons du 19e siècle, ces guerres étaient considérées comme l'opportunité d’une rébellion bretonne contre la monarchie française. Les historiens aujourd'hui décrivent la période bien différemment. « Aujourd'hui on ne voit pas les guerres de la Ligue comme un conflit uniquement régional motivé par la rébellion du gouverneur, qui se serait appuyé sur les aspirations des Bretons à retrouver leur indépendance », souligne Antoine Lepesteur. A cette période, en effet, la Bretagne est au cœur d'enjeux internationaux. Les Anglais et les Espagnols s’intéressent à la Bretagne, car la province constitue un point d'appui vers les îles britanniques ou la Flandre. On ne peut pas donc séparer la Bretagne de logiques internationales, ni de logiques nationales.
La formalisation de la paix est réalisée le 21 mars 1598 à Angers. Pourquoi à ce moment-là ? Parce que le roi a décidé qu'il allait venir en Bretagne. Déjà au début de l'année 1598, des reprises de villes ont eu lieu. Dinan est tombée, a été reprise par les royalistes, c'était la deuxième grande ville en ligueuse. « De fait, il y a des choses qui bougent et le fait que le roi arrive, fait bouger les choses, les négociations s'intensifient. L'édit d'Angers reconnaît que le duc de Mercoeur est revenu à l'obéissance, a reconnu son roi comme légitime et qu'il obtient divers avantages, que ceux qui l'ont suivi sont pardonnés. »
Avec cet édit, le roi donc règle le problème des guerres de religion en Bretagne, puis il continue sa route jusqu'à Nantes. Pourquoi cette ville ? Parce que c'est la dernière ville qui le 21 mars n'est toujours pas revenue dans le giron royal. Il faudra attendre le 4-5 avril 1598 pour qu'elle se rende à Albert de Gondi, envoyé du roi, puis et puis le roi rentre dans sa ville.
Le roi Henri IV promulgue alors le fameux édit de Nantes, qui règle les guerres de religion au niveau de son royaume. Pour la Bretagne, on l'a compris, c'est surtout l'édit d'Angers qui est important. En remontant à l'échelle internationale, la paix de Vervins est signée le 2 mai, elle met un terme à la guerre entre la France et l'Espagne. Elle a des conséquences directes et militaires à l'échelle de la province bretonne. « En fait, on voit bien que dans la tête de certains auteurs bretons, il y a certains événements qui sont symboliques pour se sentir en paix. Le fait que le gouverneur Mercoeur ait négocié sa réduction à l'obéissance et le fait que la paix de Vervins est signée, c'est-à-dire qu'on a terminé le conflit avec les Espagnols et que leur présence est réglée finalement. C'est pour ça, c'est assez important. Les Bretons ont conscience, certains en tout cas, de ce contexte international que le conflit n'est pas qu'un conflit entre Bretons, que pour que la guerre se termine il faut que Mercoeur négocie avec son roi, que pour que la guerre se termine, il faut que le roi négocie avec les Espagnols. »
--
L’Almanac’h est une série réalisée par Antoine Gouritin et produite par Bretagne Culture Diversité.
Musique originale : Jeff Alluin.
Pour aller plus loin :
-
Alexandre Lepesteur, Entrer en paix : la sortie des guerres de Religion en Bretagne (1598-années 1610), thèse de doctorat, Rennes, 2023
-
Philippe Hamon, Les guerres de Religion en Bretagne (1560-1598) : tempête dans un âge d'or ? Jeux d'échelle historiographiques, Mémoire de la Société d'Histoire etd'Archéologie de Bretagne, 2022
-
L'Almanac'h avec Antoine Rivault, La première session du parlement de Bretagne à Rennes, le 2 août 1554
Légende visuel :
Vérification de l'édit de Nantes par le parlement de Paris, le 25 février 1599.
Tableau de LUYKEN Jan. Crédit : château des ducs de Bretagne - Musée d'histoire de Nantes