Les mustélidés, petits et grands prédateurs

Autrice : Aline Moulin / janvier 2025
Il existe une soixantaine d’espèces de mustélidés dans le monde, mais seulement sept d’entre elles sont implantées en France. De la loutre au blaireau, en passant par l’hermine ou la belette, cette famille comprend toutes les tailles et tous les habitats. Si certains de ces mammifères ont des préférences alimentaires, tous les mustélidés ont néanmoins un régime omnivore opportuniste, s’adaptant aux ressources de leur territoire et aux saisons. Pour satisfaire efficacement leur appétit, ils sont dotés d’une dentition de carnassiers exceptionnelle. Enfin, un dernier point commun les réunit : des glandes odorantes positionnées proches de l’anus leur servent non seulement à marquer leur territoire mais constituent aussi un répulsif en cas de danger.

La légendaire hermine

« La voilà la blanche hermine, vive la mouette et l’ajonc »… Cette chanson de Gilles Servat (1970) évoque cet animal, dans une affirmation de l’identité bretonne. De même, la légende veut que la duchesse Anne de Bretagne, poursuivant une hermine lors d’une chasse, vit celle-ci s’arrêter devant une rivière de boue, préférant faire volte-face et mourir dignement, plutôt que de salir son pelage immaculé. L’animal aurait donc valu à notre région sa devise Plutôt la mort que la souillure ainsi que son symbole, présent sur le drapeau breton. C’est ce que raconte la légende. La réalité, c’est que cette habitante des talus est si furtive et rapide que peu d’entre nous ont la chance de l’observer, à moins de faire preuve de patience ou de savoir où chercher.

Carte de répartition de l'hermine en Bretagne. Source : Groupe mammalogique breton.

Son emblématique toison blanche est également trop souvent valorisée, puisque la belle ne change de couleur que par grands froids, ce que nous connaissons peu en Bretagne. Petit carnivore (285 g au maximum) se régalant de rongeurs et d’oiseaux, même bien plus grands qu’elle, elle arbore, en dehors de sa mue hivernale, un pelage brun/roux. Seuls le bout de sa queue, noir, et sa plus grande taille nous permettent de la différencier de sa proche cousine, la belette.

Des cousins moins célèbres

Moins emblématiques que l’hermine, certains mustélidés, qui vivent plus près des humains, sont tout aussi intéressants à observer. Dans cette « cousinade », un mammifère jouit d’un grand capital sympathie : la loutre. Quasi disparue puis ayant recolonisé nos cours d’eau après avoir été protégée, sa présence est aujourd’hui relativement importante en Bretagne. Lutra lutra est la grande cousine aquatique de la famille (elle peut peser jusqu’à 12 kg).

Loutre. Photo : Franck Simonnet. Source : Groupe mammalogique breton.

Inféodé au même milieu mais plus terrestre, le putois d’Europe, 1,7 kg au maximum, est aussi présent dans la péninsule armoricaine. Il faut chasser de notre imaginaire  « Pépé le putois », la célèbre moufette du film d'animation Bambi. Un nom trompeur puisqu’il n’a, à part l’odeur, rien de commun avec « notre » putois. Grâce à son masque facial, ce dernier est très reconnaissable. Toutefois, les naturalistes peinent à mesurer l’état des populations, car cet animal s'avère très difficile à étudier : il est très discret et les habitats qu’il fréquente sont peu accessibles.

Putois d'Europe. Photo : Xavier Grémillet. Source : Groupe mammalogique breton.

Également assujetti aux zones humides, le vison d’Europe a, pour sa part, progressivement disparu de la Bretagne. Un autre vison, celui d’Amérique, 2,2 kg, a pris sa place. Ce dernier a été introduit dans les années 1920 dans des fermes d’élevage, pour sa superbe fourrure noire. De nombreux spécimens se sont échappés de ces « visionnières », d’autres ont parfois été relâchés. Ils ont su, comme la plupart des espèces allochtones, impacter l’écosystème local, qui n’est pas adapté à leur présence. Putois et vison sont opportunistes et mangent un peu tout ce qui leur tombe sous la dent (amphibiens, poissons, petits mammifères).

Dans les zones plus boisées, nous pourrons furtivement croiser la martre des pins, qui peut peser jusqu’à 1,8 kg. Plus haute sur pattes que le putois ou le vison, elle est présente partout en Bretagne. Son pelage brun et dense porte une « bavette » (tâche sur le poitrail) jaunâtre et se confond bien dans les arbres. Les oiseaux sont les mets privilégiés de son régime alimentaire, suivis par les petits mammifères et les fruits.

Martre des pins. Photo : Philippe Defernez. Source : Groupe mammalogique breton.

Cette fameuse bavette jaunâtre est l’élément physique qui distingue principalement la martre de sa cousine presque jumelle : la fouine. Celle-ci aussi porte une bavette, mais plutôt blanche sur un pelage brun/gris et peut être un peu plus grande que sa congénère (2,3 kg). Une autre différence distingue la martre de la fouine : cette dernière craint bien moins les milieux anthropiques que la première. Nous pouvons la retrouver proche des maisons, et même à l’intérieur ! Il n’est pas si rare qu’une fouine élise domicile dans des combles accueillants. Comme la martre, la fouine adapte son alimentation. Fruits, petits mammifères mais aussi, si l’occasion se présente… des poules !

Proche de nous également, mais extrêmement discrète, la plus petite des représentantes de cette famille nombreuse, est la belette. Ce mammifère vit dans les talus, des enrochements ou même des granges. Avec ses 250 petits grammes au maximum, son joli pelage roux/brun, son ventre blanc, sa petite tache sur la joue et sa bouille de peluche, elle a les faveurs du grand public. Pourtant, sous ses airs de petit ange, cet animal cache un instinct meurtrier d’une efficacité sans égal : elle attaque, parfois, poules ou lapins de garenne, qu’elle cache ensuite dans un garde-manger pour les jours de disette.

Enfin, le plus gros mustélidé de nos contrées est le blaireau. Pouvant peser jusqu’à 20 kg, ce petit ours évolue selon des mœurs très particulières et fascinantes. Malgré son poids et sa carrure, il est rare de l’observer vivant. Nocturne et extrêmement discret, il vit dans des terriers appelés « blaireautières », qui se transmettent de génération en génération. Ce logis, très organisé et nettoyé régulièrement, accueille dans plusieurs « chambres » le clan familial, matriarcal, dans lequel peuvent cohabiter jusqu’à 3 générations. Opportuniste alimentaire lui aussi, il ne dédaigne pas les cadavres d’animaux qu’il peut croiser et les proies faciles (animaux affaiblis, malades ; parfois, des hérissons). Mais il est tout de même plus insectivore et rhizophage que ses cousins. Il affectionne de gratter le sol à la recherche de lombrics ou de bulbes, par exemple.

Aimés, adulés… ou détestés

Légalement parlant, les statuts respectifs des mustélidés ne sont pas les mêmes. Seule la loutre est protégée. Chacun d’entre nous, à part sans doute les pisciculteurs -chez qui elle visite les bassins pour pêcher- souhaitent l’apercevoir un jour. L’hermine, quant à elle, reste dans l’imaginaire collectif sans être protégée. Elle est même chassable. L’image des autres mustélidés est plus problématique. La belette, bien que relativement appréciée, est classée comme chassable et nuisible. La martre, quant à elle, du fait de son éloignement de nos milieux de vie, ne nous embête pas. Mais lorsqu’il s’agit de fouines, de blaireaux, qui sont classés de la même manière, l’histoire est tout autre. Parce qu’ils peuvent occasionner des dégâts dans nos activités anthropiques.

 

CITER CET ARTICLE

Autrice : Aline Moulin, « Les mustélidés, petits et grands prédateurs », Bécédia [en ligne], ISSN 2968-2576, mis en ligne le 20/01/2025.

Permalien: https://bcd.bzh/becedia/fr/les-mustelides-petits-et-grands-predateurs

BIBLIOGRAPHIE

  • Atlas des mammifères de Bretagne, Groupe Mammalogique Breton, Éditions Locus Solus, 2015.
  • Dictionnaire de la nature en Bretagne, François de Beaulieu, Éditions Skol Vreizh 2012

Proposé par : Bretagne Culture Diversité