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Préserver et reconstituer le bocage

Les replantations de nouvelles haies et la régénération des anciennes conditionnent le maintien d’une trame bocagère cohérente et efficace.

Pour convaincre les propriétaires terriens et les agriculteurs de cette nécessité, il est indispensable que l’entretien des arbres ne soit plus une « perte de temps » et que le bois des haies retrouve un intérêt économique pour l’exploitant et, plus généralement, pour la société.

L‘entretien des arbres et la valorisation du bois des tailles constituent des garanties de préservation du bocage, en prenant soin de régénérer la ressource. Photographie : Marc Rapilliard

La question vitale du développement durable et le débat social actuel devraient permettre une réflexion approfondie et favoriser l’émergence de nouvelles filières utilisant le bois déchiqueté ou le bois d’œuvre.

Restaurer et replanter les haies

La restauration consiste à favoriser la régénération, spontanée ou orientée, des haies. En laissant pousser les jeunes plants, issus du semis naturel, le gestionnaire permet d’assurer la croissance de nouveaux arbres qui remplaceront les plus vieux. Appliquée à nos paysages de talus, aux arbres très clairsemés, la méthode contribuerait à reboiser les haies dans un délai de 10 à 15 ans. Cette régénération suppose un nettoyage « raisonné » des talus visant à désherber tout en sélectionnant de jeunes sujets dans la strate arbustive.

Photographie : Thierry Guéhenneuc

 

Photographie : Alain Amet

Le maintien d'une strate arbustive au pied des haies, le regarnissage des talus existants et la sélection des jeunes plants naturels permettraient de reconstituer ou de regarnir nombre de haies dégradées.

Cette régénération peut s’effectuer naturellement si on laisse la végétation recoloniser librement les talus. Encore faut-il tolérer ce foisonnement buissonnant qui laissera émerger les arbres du futur.

Déjà mentionnées, les plantations concernent la création de nouvelles haies sur d’anciennes emprises ou sur de nouvelles limites de propriété. Les motivations des planteurs sont diverses et « bon an, mal an » près de 140 kilomètres de haies sont implantées chaque année.

Cette politique de replantation initiée en 1975 par le Conseil Général d’Ille-et-Vilaine a permis de créer près de 4 000 kilomètres de haies, soit 4 % du linéaire départemental.

Au-delà du constat positif, force est de constater que la politique d’incitation connaît ses limites :

  • Implantation majoritaire autour des sièges d’exploitation et en bordure des chemins d’accès.
  • Linéaires souvent courts, sans articulation avec le réseau de haies existant, et a fortiori celui des voisins.
  • Choix d’essences arbustives, qui imposent un entretien fréquent au détriment des arbres de haut-jets.
  • Insuffisance d’accompagnement technique et de conseils auprès des propriétaires pour l’entretien.

À l’heure des bilans et de la transmission des politiques de replantation aux nouvelles collectivités territoriales (communautés de communes ou d’agglomération), les études et expertises se multiplient pour dégager des programmes plus cohérents. Cette cohérence vise à concilier les rôles agricoles, paysagers, écologiques et des fonctions de loisir.

La majeure partie des plantations s’effectue en limite de propriétés agricoles et sur le bord des chemins privés et communaux (La Chapelle-des-Fougeretz). Photographies : Alain Amet

Il faut souhaiter que ces diagnostics précis (schémas bocagers) donnent lieu à des dynamiques fortes entre les acteurs-planteurs afin de favoriser l’émergence d’un nouveau bocage dont la maille idéale (parcelle enclose) serait de l’ordre de 4 à 5 hectares en zone cultivée et entre 2 et 3 hectares pour les prairies d’élevage.

De tels « schémas bocagers » mériteraient d’être « accompagnés » et animés sur le terrain par des techniciens salariés par les structures intercommunales et les pays. Cette notion de médiation est indispensable pour l’incitation à la plantation, au dialogue entre voisins et aux indispensables conseils techniques.

Tailler et entretenir les haies

Qu’il s’agisse de haies de ragosses à émonder, de haies arbustives et arborescentes à tailler latéralement, l’entretien est une nécessité pour le propriétaire. Il vise à réduire leur largeur et l’emprise des arbres sur les cultures, à former des arbres de haut-jet ou encore à entretenir les flancs des talus.

 

 

Une nacelle permet d’entretenir les ragosses d’une commune entière (150 km de haies) soit dix kilomètres par an avec un cycle d’émondage de quinze ans. Photographies : Marc Rapilliard

Le temps nécessaire à l’émondage ou à la taille est souvent dissuasif pour la conservation des haies. Peu rentable, s’il n’est pas déchiqueté et conditionné en plaquettes, le petit bois n’incite pas à l’effort… Pourtant de nouvelles méthodes mécanisées permettent de réduire ce temps et les frais qui en résultent.

Pour bénéficier de ce matériel, les agriculteurs et les collectivités s’assurent les services de prestataires (entreprises agricoles) ou, pour les premiers, de coopératives d’utilisation de matériel en commun (C.U.M.A).

La pratique du « tire-sève » ou « tire-jus », censée remédier au « sevrage » brutal de l’arbre, se discute. Au cycle suivant, la coupe du tire-sève peut s’avérer très traumatisante pour le pied-mère. Photographie : Marc Rapilliard

Selon l’importance du linéaire de haies, de deux à quatre kilomètres par exploitation, un agriculteur passe de cinq à quinze journées par an pour entretenir son bocage à ragosses. Ce temps comprend le façonnage et le nettoyage du chantier (source : Aubépine).

Des émondages moins fréquents

Le cycle traditionnel de l’émondage des chênes (de six à neuf ans) a été rallongé (diz à quinze ans) pour y récolter du rondin ou du gros piquet de clôture mais l’espacement des coupes menace la survie de l’arbre. La pratique du « tire-sève » ou « tire-jus », censé remédier au « sevrage » brutal de l’arbre se discute. Au cycle suivant, la coupe du tire-sève peut s’avérer très traumatisante pour le pied-mère.

Un lamier à scie peut tailler jusqu’à 1 000 kilomètres de haies par an, soit 1 000 heures de travail avec un avancement d'un kilomètre par heure. Ne permettant pas une coupe différenciée, cette technique s’applique surtout sur des haies arbustives. Photographies : Marc Rapilliard

Dans un objectif de production de bois d’œuvre de qualité, les arbres doivent être « éduqués », c’est à dire formés, pour favoriser la croissance d’un tronc sans ramification, destiné à produire de la planche de menuiserie. Selon les essences, les tailles varient mais l’objectif reste bien de produire un bois régulier, sans trop de nœuds. Malgré l’investissement sur le long terme (de 25 à 60 ans) la production de bois de qualité reste une possibilité négligée dans le bocage breton, alors que la demande de « bois de pays » est une réalité économique. Encore faut-il que la valeur du bois sur pied soit effectivement prise en compte lors des cessions et des transmissions d’exploitations agricoles.

Le bois issu de l’émondage était traditionnellement fagoté. Avec la disparition de cet usage, le « petit bois », fut ensuite géré comme un déchet. Il est aujourd’hui de plus en plus souvent broyé et récupéré pour fournir de l’énergie et du paillage horticole. Photographies : Marc Rapilliard

Le bocage demeure un milieu propice à la production « rapide » de bois de qualité, surtout si l’on adopte des essences de valeur.

Valoriser le bois et les haies

La valorisation systématique des émondages, par la mise en place de nouvelles filières de broyage et de chauffage au bois déchiqueté, n’est plus une utopie. Au regard du prix des énergies concurrentes, le chauffage au bois devient une alternative « durable », à condition de veiller à ce que la ressource en arbres se renouvelle… L’apparition récente de nouveaux matériels permettant de broyer des troncs de forte section (30 centimètres et plus) nécessite de sensibiliser les exploitants à ne pas épuiser cette ressource.

Chantier de broyage et de déchiquetage de bois après émondage. CUMA d'Iffendic. Photographies : Marc Rapilliard

Si l’on considère l’effet de mobilisation sociale d’une telle filière (création d’emplois) et son impact sur le maintien des paysages, la conservation d’un bocage productif est une réalité.

En matière de bois de chauffage, deux productions se dégagent : celle du bois débité en bûches et celle des copeaux et des plaquettes issus du déchiquetage des petits bois d’émondage et d’élagage. Cette filière « bois énergie » concentre les attentions aujourd’hui car la valorisation des « déchets » de la taille des arbres offre des perspectives jusqu’alors peu exploitées. Nombreux et volumineux, ces déchets étaient, auparavant, brûlés sur le champ occasionnant un travail non valorisé économiquement.

L’apparition de chaudières adaptées à ce nouveau combustible permet d’envisager de nouveaux débouchés pour le petit bois. Utilisées à l’échelle d’une exploitation, d’un lotissement ou d’un équipement de collectivité, le bois déchiqueté offre de nouvelles perspectives en matière de développement durable. Ainsi équipées, des exploitations dotées de 4 kilomètres de bonnes haies peuvent obtenir une autonomie de chauffage tout en protégeant le paysage et la ressource en bois.

Dernière valorisation évidente, la production de bois d’œuvre par la plantation d’essences adaptées constitue un enjeu économique important pour les exploitations agricoles. Cette filière est toutefois freinée par l’absence de lisibilité à moyen terme des politiques agricoles et par l’idée reçue que l’on « plante pour ses petits-enfants ». Bien formé, le merisier, le chêne, le frêne, l’alisier, le cormier fournissent un bois recherché de bonne valeur.

Quelques chiffres :

  • 1 kilomètre de haies équivaut à une surface boisée de 1 hectare.
  • 1 kilomètre de haies de qualité fournit plus de 10 stères de bois de feu par an.
  • 1 kilomètre de haies de qualité fournit …….mètres cubes de bois déchiqueté.
  • 1 chaudière équipant une exploitation agricole (bâtiments d’élevage et siège d’exploitation) consomme ………mètres cubes de bois déchiqueté par an.