8.7

Quel bocage pour demain ?

D’autres voies restent à explorer pour léguer un bocage aux générations futures, d’autant que cette préservation n’engage plus seulement les agriculteurs. À leur côté, les collectivités territoriales s’interrogent sur la qualité environnementale et sur de nouveaux modes de développement des territoires, plus durables.

Photo de couverture : Marc Rapillard

Plusieurs critères doivent être pris en compte pour hiérarchiser l'intérêt des haies d'un territoire donné.

Critères agro-environnementaux :

  • Protection de la qualité des eaux et rôle anti-érosif
  • Talus de ceinture des fonds de vallée
  • Talus perpendiculaires aux pentes
  • Haies denses constituées en réseau continu
  • Zones bocagères constituant des couloirs biologiques

Cette zone de bocage, aux haies denses et continues, constitue un « corridor » biologique qui favorise la circulation et la dissémination des espèces animales et végétales. Photographie : Marc Rapilliard

Critères agro-énergétiques :

  • Haies denses à forte valeur pour la production de bois déchiqueté
  • Haies à forte potentialité de bois d’émondage, ou de coupe (bûches, rondins).

Critères paysagers et d’utilisation de loisirs :

  • Haies à forte potentialité paysagère par leur position et leur composition.
  • Haies situées le long de chemins présentant des continuités et des potentialités en termes de boucles et d’itinéraires de randonnée (intercommunaux et communaux).

Les schémas bocagers (schémas directeurs de conservation et d’aménagement) permettent de synthétiser et de cartographier les informations afin de hiérarchiser et de programmer les interventions et les aménagements nécessaires aux territoires communaux ou intercommunaux. Ce diagnostic d’experts est un préalable indispensable à la coordination des actions. Etat initial, assorti de préconisations, il est aussi une base de dialogue pour les gestionnaires et les usagers du bocage.

Le nouveau rôle des collectivités territoriales

Les nouvelles entités territoriales que sont les communautés de communes ou d’agglomération et les pays créent de nouvelles opportunités d’action adaptées à l’échelle des territoires. Garantes de l’intérêt général elles peuvent, et doivent, donner demain, des signes forts en matière de préservation et de développement des zones rurales. Leur proximité géographique et politique avec le terrain permet d’envisager des actions adaptées aux caractéristiques locales avec une implication dans l’accompagnement des mesures et une coordination des efforts.

À l’opposé, ce maillage bocager très lâche est une relique dont la biodiversité est faible. Sans intervention de replantation et de régénération, des haies sont vouées à la disparition… Photographie : Marc Rapilliard

Diagnostic, incitation, coordination et innovation sont les maîtres mots d’une politique volontariste en matière d’aménagement agro-environnemental des territoires.

Reconnaître l'intérêt général du bocage

En amont des actions intercommunales et départementales, les politiques régionales et nationales doivent veiller à ce que les initiatives locales ne soient victimes d’incohérences administratives et règlementaires comme ce peut être le cas actuellement :

  • Adaptation des règlements de plantation en limite de propriété afin d’éviter les impossibilités de replantation sur le talus.
  • Adaptation des critères de calcul pour l’attribution des primes aux surfaces « aidées » (aux agriculteurs) afin d’éviter la « pénalisation » des haies larges et fournies. La surface « sous la haie » se trouve aujourd’hui, en effet, soustraite de la surface totale de la parcelle, amputant d’autant les dotations.
  • Mise en adéquation des mesures imposées par la Politique Agricole Commune à l’échelle européenne (PAC) et les mesures agro-environnementales spécifiques aux régions.

De manière plus globale, la volonté d’agir sur la qualité environnementale et le développement durable nécessite que l'État et les Régions s’interrogent sur la notion d’intérêt général que représente la préservation du bocage. Dans l’affirmative, le maintien de haies de qualité et les replantations pourraient donner lieu à des incitations financières qui tiendraient compte des linéaires bocagers entretenus par les agriculteurs et les collectivités. Il ne s’agit pas là d’un « assistanat » supplémentaire pour l’agriculture, mais d’une reconnaissance objective de l’intérêt social et environnemental que représentent les haies.

Le bocage peut constituer un atout pour l’urbanisme d’une ville, en intégrant les haies aux nouveaux quartiers. Bocage nord-ouest de Rennes et la ville au fond. Photographie : Marc Rapilliard

Enfin, la politique agricole et la nature des productions agricoles de demain auront une importance cruciale sur le maintien de la trame bocagère. L’orientation vers des productions extensives ou intensives, le choix de privilégier la prairie ou au contraire les cultures, influenceront considérablement les paysages de demain. À l'image du maïs, qui provoqua la régression des prairies permanentes et la disparition des haies devenues gênantes, de nouvelles cultures (biocarburants…) peuvent avoir des conséquences sur les espaces ruraux et leur qualité environnementale.

Autant de pistes de réflexion qu’une publication comme celle-ci ne peut développer de manière exhaustive, mais une certitude évidente : la préservation du bocage ne sera effective qu’avec la mise en place de politiques volontaristes en matière de développement durable et l’émergence de nouveaux usages et de nouvelles filières économiques qui motiveront les agriculteurs…