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Un patrimoine menacé

La mécanisation de l’agriculture et l’intensification de la production ont provoqué de profondes mutations des paysages au sortir de la Seconde Guerre mondiale.

Photo de couverture : Pascal Glais

Confronté au besoin de nourrir une population croissante, davantage localisée dans les villes, les agriculteurs doivent aménager leur siège d’exploitation, adopter de nouvelles cultures plus productives, permettre l’accès des machines dans les champs en élargissant les chemins et les parcelles. Qu’il s’agisse de remembrements organisés à l’échelle communale ou d’initiatives concertées entre voisins, toutes les exploitations voient leur linéaire de haies régresser à partir des années 1950 tandis que la surface moyenne des fermes augmente ainsi que la taille des parcelles.

Photographie : Pascal Glais

Photographie : Pascal Glais

Dans les années 1950, beaucoup d’agriculteurs exploitent une quinzaine d’hectares constitués de 20 à 30 parcelles entourées de haies.

Dans les années 1990, ces mêmes agriculteurs disposent d’exploitations d’une trentaine d’hectares constitués de moins de 10 parcelles encloses.

Partout les chemins creux sont abandonnés ou comblés et les mieux configurés ne conservent souvent qu’une bordure boisée afin d’élargir la voirie. Le maillage cohérent des haies cède progressivement la place à des haies ajourées et discontinues et le bocage se déstructure.

Au début des années 1970, la culture du maïs et du ray-grass fourragers se substitue aux prairies naturelles. Dès lors les haies, qui concurrencent trop les cultures et diminuent les rendements, sont victimes d’abattage tandis que les talus sont détruits et nivelés.

Progressivement, le bocage « traditionnel » cède la place à un bocage ajouré dont les usages sont abandonnés et l’utilité, remise en question. Couteuses en temps d’entretien, les haies sont délaissées, quand elles ne sont pas détruites, et l’usage des désherbants sur les talus occasionne la disparition de la végétation basse et des jeunes arbustes destinés, naturellement, à assurer le renouvellement des plus vieux arbres.

Campagne d'incitation au remembrement. Affiche du Génie Rural des années 1950. Imprimerie Nationale. Écomusée de Bresse

Cette destruction du bocage est particulièrement perceptible dans les zones les plus productives (plateaux) alors que les fonds de vallées ont souvent conservé leurs haies et leurs prairies naturelles. Régression du linéaire des haies, banalisation de la végétation, absence de régénération des arbres et de remplacement des plus anciens, le bocage s’érode et vieillit sans perspective de repousse…

Les chemins bordés de deux haies sont devenus rares. La volonté de moderniser l’agriculture a entraîné l’agrandissement des parcelles, la disparition des haies et l’aménagement de nouveaux chemins d’accès adaptés à des machines agricoles beaucoup plus larges. Photographie : Marc Rapilliard

Toujours très présent dans nos paysages, l’arbre continue à marquer notre territoire mais le réseau des haies est mis à mal et risque de disparaître si rien n’est fait.

Les anciennes exploitations traditionnelles sont désormais entourées de nouveaux bâtiments industriels correspondant à des productions spécialisées (porcheries, poulaillers ou stabulations), eux-mêmes dotés d’équipements : silos, fosses à lisiers ou à purins… Pays de Rennes, 2003. Photographie : Marc Rapilliard

La perte des usages anciens du bocage appelle la recherche de nouvelles fonctions économiques si nous voulons léguer ce patrimoine naturel et paysager aux générations futures.

Dans les années 1950, l'arrivée de la mécanisation marque le début d'une aire nouvelle. Ici, à Betton, le nouveau tracteur Fergusson, « Petit-Gris », est attelé à une moissonneuse-lieuse. Écomusée du Pays de Rennes