Oui, tous veulent les belles écuelles rouges vernissées.
Paraît que vers la Roche-Derrien, dans le Trégor, ils échangent les chiffons contre les cerises, des bigarreaux, à la saison. Ou contre des mouchoirs jaunes de Cholet, première qualité.
Là-bas, ils récupèrent aussi l'étoupe du lin pour les chantiers navals, pour calfater les bateaux.
Les chiffonniers de la Roche-Derrien, ils ont leur propre langage, entre eux. Le tunodo qu'ils l'appellent.
En tout cas, mon père est connu comme le loup, ar bleiz, dans not' secteur.
Des fois, le fermier lui vend une barrique de cidre, et mon père lui rend six mois plus tard.
Vide !
Avec la cafetière qu'il avait promis à la fermière !
Les chiffonniers ou étoupiers de la Roche forment une véritable petite république, le long du Jaudy, dans les bas quartiers.
Langage conventionnel, "conseil" d'une centaine d'hommes, uniforme avec culotte de toile et veste en berlinge bleu...
Ils collectionnent les toiles de lin, lequel est largement cultivé dans la région de Lannion, le chanvre destiné à la Marine, et l'étoupage, résidu du lin que les paysans tissent grossièrement.