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Germont, Limousin, Occitanie

Forêt

    Photographie : Gilles Pouliquen

 

GERMONT,

LIMOUSIN,

OCCITANIE

Marcelle Delpastre naît à la ferme de Germont, à Chamberet en Corrèze, en 1925.
Etudes, bac philosophie-littérature et bref passage aux Arts décos à Limoges.
Mais elle revient à la ferme à vingt ans. Fille unique. Semailles, vêlages, moissons, et corvées de bois.
Il lui faut bientôt tenir l’exploitation seule.
Elle reste célibataire.
Et ne quittera plus ces hêtres et ces chênes centenaires, ces sources espiègles, ces chemins creux.



 

Ils ont raison les bougres ! Cela m’agace bien
évidemment. D’une certaine façon, cela peut m’être

insupportable, et pourtant ils ne s’y trompent pas :

je suis d’ici et non d’ailleurs. C’est ici que je niche, sur

l’aire terrestre qui m’est dévolue – quelques hectares –

quelques ares – et tout ce pays de collines alentour,

et les frênes puants, les hêtres magnifiques, le vert

des herbes entre les haies, le bleu – le bleu qui chante

des lointains – l’odeur de la source et de l’aubépine. […]

Et si j’écris mes souvenirs, c’est comme un chant d’amour

à ce pays. A cette vie. Car de rien ne me sont les rues,

et de rien ne me sont les villes. Les villes de m’apprennent

rien. J’ai tout reçu des arbres.


La fin de la fable, Mémoires, tome VII, Meuzac/Bassac, Lo Chamin de Sent Jaume/Plein Chant, 2004

 

 

 

 

Chouette dans un arbre

Photographie : Gilles Pouliquen

 

Ma terra

« ... M'aprendretz pas coma es ma

terra. Assus n'i a pas, sus la cima,

n'i a gaire,

e lo rochier se boira a las

glevas. Mas lo rochier lai monta l'aiga

daus pus debas.

'Lau dins la comba la trobariatz...

Segur la vos dirai, ma terra,

los champs, los prats,

e chade plais que lo coneisse,

e chade bruau, e l'aiga, e las levadas.

Que sui paisan, zo sabetz pas ?

E res de mielhs si ne's poeta, coma

l'aubre e las lauvetas.

Mas quand ne'n parle, de la

terra, pas sovent que pense a mos

prats,

pas sovent que pense a ma

terra, e mos champs me'n sovene

pas. »

 

Ma terre

« ... Vous ne m'apprendrez pas comment elle est,

ma terre. Là-haut, sur le sommet, elle n'est pas

profonde,

et le rocher se mélange à la glèbe. Mais

le rocher remonte à l'eau depuis les profondeurs.

Plus bas dans la combe, on la trouverait...

Et oui je la dirai, ma terre, les champs et les prés,

chaque haie que je connais bien, chaque

talus, la source, les rigoles...

Car je suis paysan, ne le saviez-vous pas ?

Et rien de mieux si ce n'est poète, comme l'arbre

et les alouettes.

Mais si j'en parle, de la terre, rarement

je pense à mes près,

ce n'est pas à ma terre que je pense, et de

mes champs je ne me souviens pas. »

 
Parolas per questa terra, Tome I, Ed. Lo Chamin de Sent Jaume, Meuzac, 1997.