Un demi-siècle de construction
Le premier mariage de la duchesse Anne avec le roi de France Charles VIII en décembre 1491 ralentit le chantier, qui livre cependant les tours du Port, de la Rivière et du Fer à Cheval, le long de la Loire. Son second mariage avec le roi Louis XII en janvier 1499 permet une nouvelle impulsion. L’apposition du décor héraldique du couple royal aux cinq lucarnes du Grand Logis signe son achèvement. Les deux loggias au sommet de la tour de la Couronne d’or, à la riche décoration animale et végétale intégrant le monogramme de la duchesse-reine, signalent l’introduction de la Renaissance italienne dans une architecture relevant du gothique flamboyant.
Transformations ultérieures
François Ier complète l’œuvre à partir de 1515 en faisant inscrire ses initiales sur la courtine de Loire. Le Petit Gouvernement peut venir s’y appuyer.
Le duc de Mercœur, gouverneur de Bretagne en rébellion contre le roi Henri IV de 1589 à 1598, ajoute deux bastions ornés de la croix de Lorraine et transforme la tour du Port pour y placer une terrasse d’artillerie. Richelieu, principal ministre de Louis XIII (1624-1642), laisse son empreinte en militarisant les tours d’entrée et en faisant placer ses armoiries sur les murs et les vitraux de la chapelle.
Le Grand Gouvernement, ravagé par un incendie en 1670, est reconstruit dans le style classique du temps, en lui ajoutant un perron surmonté d’un baldaquin. Les grandes armoiries de Louis XIV, martelées sous la Révolution, ont été récemment restaurées.
L’importance croissante de la guerre maritime justifie l’implantation en 1784 du bâtiment du Harnachement dédié à la fabrication d’armement.
Sous la Révolution, le château, menacé de démolition en 1791, est protégé par son utilité en tant que prison et bâtiment de stockage en armes et munitions, mais aussi en céréales. L’explosion de la tour des Espagnols en 1800, entraînant la disparition de la chapelle et de l’aile du lieutenant du Roi, en est une dramatique illustration.
Les usages du château
La fonction d’accueil d’une cour brillante et des principales institutions de gouvernement (conseil, chancellerie, trésor des chartes) n’a pas survécu à l’échec de la politique d’indépendance en 1488-1491. Elle s’est ensuite limitée aux brefs séjours lors des voyages royaux, qui disparaissent avec Louis XIV. La seule compensation vient des visites des gouverneurs de Bretagne ou du comté de Nantes, lorsque ces aristocrates ne préfèrent pas le confort des hôtels particuliers urbains. La présence royale permanente est donc réduite à la compagnie de soldats invalides commandée par un capitaine ou lieutenant du roi. La création d’une intendance en Bretagne en 1689 n’a aucun effet puisque ce commissaire du Conseil du roi s’installe à Rennes. Lorsque les états de Bretagne (assemblée des trois ordres de la province) se tenaient à Nantes, on préférait utiliser les grandes salles des couvents urbains.
La forteresse n’a guère pu prouver sa valeur, la ville ayant été livrée à la France en 1491. Sa contribution à l’échec du siège par l’armée royale en 1487 reste un fait isolé. a ville ayant été livrée en 1491. Lors de l’attaque des Vendéens en juin 1793, seul grand événement militaire, les combats se livrèrent en périphérie. Le château servit de prison, occasionnellement pour de grands personnages comme Chalais, le cardinal de Retz et le ministre Fouquet au XVIIe siècle, mais surtout pour les marins anglais au XVIIIe siècle et les prêtres réfractaires sous la Révolution. Atelier d’artillerie depuis 1784, son déclassement fut permanent au XIXe siècle.
Symboliquement vendu à la ville en 1915, celle-ci le transforma en musée des Arts décoratifs et des Traditions populaires à partir de 1921. Monument en péril en 1969, le château connut une longue période d’incertitudes quant à sa fonction urbaine avant que la première municipalité Ayrault ne décide d’en faire un musée d’Histoire de Nantes, rôle assumé depuis sa réouverture en 2007 après un long chantier de restauration.
Le château, Nantes et la Bretagne
Les ambitions du duc François II l’ont suivi dans son tombeau. La duchesse Anne n’a guère pu l’utiliser, vite obligée comme reine de France. Paradoxalement, le roi François Ier y a signé en 1532 l’édit d’Union perpétuelle de la Bretagne à la France négocié aux états de Vannes. La seule courte résurrection du projet initial correspond à la rébellion du duc de Mercœur qui oblige Henri IV à venir militairement jusqu’à Nantes pour signer dans son château le célèbre édit mettant fin aux guerres de Religion.
Symbole du pouvoir royal au temps de la monarchie absolue, plus instrument de surveillance que de défense de la population, le palais-forteresse perdit ensuite toute dimension politique. Basculant dans le rôle de lieu de mémoire et appartenant au patrimoine monumental de la ville, il incarne la part bretonne de l’identité plurielle nantaise.