Source
C’est par une seule source, les Annales Mettenses priores (Premières Annales de Metz), que nous apprenons en 753 la conquête de la cité fortifiée de Vannes par Pépin, désormais roi des Francs : « Au cours de cette année le roi Pépin conduisit son armée en Bretagne, s’empara de la ville fortifiée de Vannes et soumit toute la Bretagne au territoire des Francs ». L’information est laconique, elle est certainement inexacte pour ce qui est de la soumission de la Bretagne car Pépin n’avait ni les moyens, ni les ambitions de s’emparer de toute la péninsule. Par contre elle est certainement véridique en ce qui concerne la prise de la cité épiscopale. Les Annales Mettenses priores sont en effet bien informées. Rédigées vers 805 à Metz ou à l’abbaye de Chelles par un clerc proche de l’entourage de Charlemagne, elles mélangent jusqu’en 755 chronique et annales. Elles cherchent à montrer l’excellence de la famille des Pippinides et le soutien que Dieu leur apporte.
Carte de la Marche par La Borderie
La vision de la frontière entre Francs et Bretons par Arthur de La Borderie (Histoire de Bretagne, A. de La Borderie et Barthélémy Pocquet du Haut-Jussé, Plihon, Honnay, impr. Vatar, Rennes, 1896-1914 (6 vol.), t. II). Le trait en pointillés rouges suit les limites de l’évêché de Rennes qui devaient correspondre à la période carolingienne aux limites du comté de Rennes. En revanche le tracé dans le Vannetais ne repose sur aucune donnée fiable.
Circonstances
Depuis l’abdication de son frère Carloman en 747 Pépin est le seul maître du royaume franc. Adoptant un soutien mesuré à Boniface dans la réforme de l’Église pour ne pas s’aliéner l’aristocratie franque, il a soigneusement préparé son accession à la royauté en obtenant l’accord du pape Zacharie pour déposer le dernier roi mérovingien Childéric III. Premier roi sacré, en 751, il cherche à contrôler toute la Gaule. Dès 743 il avait soumis l’Aquitaine (tout en lui laissant un duc, Waïfre), en 752 il a organisé une expédition militaire en Septimanie et pris Nîmes et Béziers aux Musulmans. L’expédition de 753 en Armorique s’inscrit donc dans une politique de conquête des derniers territoires de la Gaule qui échappent à son autorité. Il reprend la politique des Mérovingiens mais avec deux atouts. En premier il dispose d’une cavalerie qui lui permet d’agir très rapidement même si la majorité des combattants sont encore des fantassins. C’est Charles Martel qui a créé cette cavalerie qui se révélera très efficace face aux Lombards en 754 et 756. Ensuite le caractère sacré de son pouvoir lui donne une autorité religieuse. Comment s’opposer au légitime défenseur de la foi chrétienne ?
Depuis Waroc, le Vannetais fait partie de la Bretagne. Mais il ne semble pas qu’il y ait un chef régional. Les seuls chefs que nous connaissons bien sont les machtierns : ils disposent d’une autorité qui ne dépasse pas un nombre limité de paroisses. Si la langue bretonne, avec probablement des particularités, s’est imposée il existe certainement une population de langue romane dans l’Est du Vannetais proche des populations du Rennais et du Nantais. Enfin les contacts n’ont jamais cessé entre les Francs et la Bretagne. L’abbaye de Saint-Denis possède des biens en Anjou et dans le Rennais. Le domaine de Coriacus correspond à l’actuelle commune de Saint-M’Hervé. L’abbaye de Prüm (Eifel, Allemagne), proche des Pippinides, reçoit des biens situés en Anjou et en Bretagne.
Conséquences
La prise de Vannes permet de créer un comté franc. La soumission politique entraîne aussi l’intégration de l’évêché dans l’Église franque. Il est très probable que Pépin a imposé un évêque. Cette prise de Vannes est une première étape. Au début du règne de Charlemagne, une seconde étape sera réalisée avec la création de la marche de Bretagne qui comprend les comtés de Rennes, de Nantes et de Vannes. Son chef Roland sera tué à Roncevaux en 778. À la fin du siècle, en 799, Guy, comte de Nantes chargé de la marche de Bretagne, parcourt toute la péninsule avec les comtes de Rennes et de Vannes (Frodald). La Bretagne est soumise, au moins superficiellement.