Les premières réalisations dès le XVIe siècle
L’idée d’ouvrir une voie de navigation intérieure en Bretagne remonte au XVIe siècle, dès l’union du duché de Bretagne au royaume de France, avec l’objectif d’une meilleure intégration économique afin de renforcer l’union politique. La canalisation de la Vilaine est décidée en 1538 par les États de Bretagne, rendant navigable le fleuve de Rennes à Messac. Ceci permet, dès 1585, la première liaison fluviale de la capitale bretonne à Redon et, par la Vilaine maritime, la relie à une partie de la façade maritime atlantique.
Les différents blocus maritimes imposés par les Anglais sous le règne de Louis XIV conduisent les états de Bretagne à faire étudier la mise en place d’un réseau de canaux, en Bretagne, et aussi dans le Maine. En 1627, ils approuvent un projet de canal destiné à relier Brest à Carhaix, mais ce projet avorte par manque de financement. Il s’agit avant tout d’alimenter l’arsenal de Brest, dont l’intérêt stratégique apparaît essentiel à Richelieu, puis à Vauban.
Il faut ensuite attendre le XVIIIe siècle pour voir renaître une dynamique autour des canaux bretons. En 1746, le comte de Kersauzon, reprenant et développant les projets de l’ingénieur Abeille de 1730, envisage un ensemble de cinq canaux comprenant la liaison de la Rance à la Vilaine et de la Vilaine à la Loire, ainsi que des travaux pour rendre l’Oust et le Blavet navigables toute l’année. Cette idée est abandonnée car encore une fois il ne trouve pas de financement.
Les projets se concrétisent dans la décennie 1780
Les premières études aboutissent enfin dans les années 1780. En janvier 1783, grâce à l’action de Pierre-Marie de Rosnyvinen, comte de Piré, une commission de navigation intérieure est nommée pour étudier les projets qui foisonnent. La commission présente au roi Louis XVI, le 31 octobre 1784, une carte générale qu’elle lui commente. Cette commission s’entoure des compétences de membres de l’Académie royale des sciences, dont l’abbé Alexis Rochon et Nicolas de Condorcet. Le tracé général s’affine peu à peu. Le roi s’y implique car, en plus du désenclavement économique et de leur intérêt stratégique, les canaux bretons renforceront le contrôle et la centralisation du pouvoir royal.
Les grands travaux du XIXe siècle
La Révolution fait voler en éclats les structures s’occupant de la question de la navigation et gèle les projets. Rochon continue néanmoins à défendre les projets élaborés. Il faut cependant attendre le début du XIXe siècle et le blocus de Brest par les Britanniques, pour convaincre Napoléon Ier de l’intérêt stratégique de débloquer Brest par l’arrière-pays, d’approvisionner en vivres et munitions les arsenaux de Brest et Lorient avec Nantes et Saint-Malo. En 1803, l’ingénieur en chef des Ponts et Chaussées Guy Bouessel est chargé de l’étude du projet.
En 1805, un plan plus modeste de liaison entre Quimper et Brest avec une jonction de l’Aulne et de l’Odet est étudié pour désenclaver l’arsenal de Brest. Mais son rôle économique limité ne justifie pas l’investissement et on revient au projet initial de canal de Nantes à Brest.
Les travaux sont gigantesques car il faut relier trois bassins versants par trois biefs de partage. Ainsi doivent être creusés la tranchée de Glomel pour relier l’Aulne et le Blavet, le bief d’Hilvern entre le Blavet et l’Oust et le bief du Bout-de-Bois entre l’Erdre et l’Isac.
En 1808, la construction commence aux deux extrémités du canal, en Loire-Inférieure et dans le Finistère. Le 7 septembre 1811, a lieu la pose de la première pierre de la première écluse sur le bief de Guilly Glaz, à la frontière des communes de Port-Launay et de Châteaulin. Une fête est organisée en l’honneur de l'empereur Napoléon Ier, qui avait permis le lancement du chantier.
Pour accélérer le processus, des décrets autorisent l’emploi de prisonniers de guerre et de condamnés. En 1812 le bief des Bouts-de-Bois est construit par des Espagnols prisonniers de guerre, logés dans le camp des Jarriais, près de Saffré, dans des conditions très dures.
Après un abandon quasi total des travaux entre 1814 et 1822, les sections Nantes-Redon et Brest-Carhaix sont ouvertes à la navigation en 1836. Le 1er janvier 1842, la voie d’eau entre Nantes et Brest est ouverte à la navigation sur la totalité de sa longueur, soit 360 km, avec 237 écluses qui rattrapent un dénivelé total de 555 mètres.
Le canal de Nantes à Brest jouera un rôle économique important pour le centre de la Bretagne. Il permet une meilleure commercialisation des productions locales, comme les ardoises par exemple. Mais l’amélioration des routes et le développement du chemin de fer à partir de la fin des années 1850 et l’ouverture de la ligne Carhaix-Châteaulin-Camaret en 1911 amènent le déclin progressif du trafic du canal, jusqu’à son abandon en 1942.