Sa situation
Elle s’explique par son implantation au voisinage de deux limites :
La première limite est la lisière de la vaste forêt de la Hunaudaye, autrefois Lanmor, c’est-à-dire « grande terre » désignant l’appartenance au domaine royal ou fisc (héritage de l’Antiquité) administrée par l’Église puis contrôlée par les comtes de Penthièvre établis à Lamballe.
La seconde limite est l’Arguenon. Ce fleuve proche constitua, au moins partiellement, entre la fin du VIIIe et la fin du Xe siècle, la frontière entre deux subdivisions administratives ou pagi (=pays), à l’ouest, le pagus Penteur (Penthièvre), à l’est, le pagus Daoudour (Poudouvre), ainsi qu’entre les évêchés de Saint-Brieuc et Saint-Malo, issus de la réorganisation religieuse postérieure aux incursions scandinaves.
Le site de la Hunaudaye occupe la pointe d’un interfluve, à la jonction de trois vallons. La forteresse est bâtie à la rencontre de deux chemins anciens, indices d’une desserte routière romanisée encore utilisée et contrôlée au Moyen Âge. L’un, nord-sud, appelé « Chemin de l’Etra », l’autre, est-ouest, noté « Grand-Chemin » sur le parcellaire bordant, au nord du château. Ce toponyme désigne le même chemin dans sa traversée du bourg de La Poterie juste avant d’entrer dans Lamballe.
Les superstructures présentent un plan pentagonal irrégulier scandé par cinq tours d’angle, datées entre le XIIIe et le XVIIe siècle.
L’ensemble, ceint de douves, est isolé du contexte topographique extérieur par une forte contrescarpe.
Une occupation précoce
Les travaux de dégagement des arases de murs intérieurs avant restauration ont mis en évidence l’aménagement d’un espace primitif correspondant à la cour actuelle conservant au nord-ouest les traces de destruction d’un bâtiment de terre et bois. Cet espace a livré quatre fragments de céramiques des débuts du haut Moyen Âge.
Un habitat fortifié ?
Les travaux de dégagement avant restauration ont mis en évidence, dans la zone correspondant à la cour et aux bâtiments nord de l’actuel château, l’existence d’un espace primitif presque également partagé par une palissade nord-sud (T2).
Cet espace était limité à l’est par un fossé de section trapézoïdale de type antique, profond de 3 m (T1), et au nord par une dénivellation du même ordre (D1), le talus côté cour (M5) étant chapé de pegmatites (filons de roche magmatique existant non loin du château).
Dans l’angle nord-ouest de la cour, des couches de destruction extrêmement tassées (argile avec traces de rubéfaction, ardoises broyées, fragments de tegulae) (ZD) ont révélé l’existence d’un bâtiment comportant des ardoises et des tegulae, ces dernières très vraisemblablement apportées du site gallo-romain voisin des Châtelets (du latin castellitum = petit château).
Ce bâtiment n’a pu être précisément délimité et caractérisé en raison de l’existence des constructions et remaniements postérieurs. Mais, au sud de celui-ci, le sol le plus ancien a livré quatre tessons dont la datation s’échelonne entre le Ve et le milieu du VIIe siècle.
Au haut Moyen Âge : une tour de pierre et de bois
Sur les restes du bâtiment précédent et au sud de celui-ci, fut édifiée une tour de bois sur solins de pierres sèches probablement destinée à protéger le territoire du fisc et surveiller les voies de communications lors de conflits locaux ou d’incursions venues du littoral (Scandinaves) entre le milieu du IXe et le milieu du Xe siècle voire jusqu’au début du XIe siècle (incendie de Dol-de-Bretagne en 1014).
Une « tour » de pierre et bois
Au sud du bâtiment précédent et sur ses restes fut édifiée une structure de bois à soubassement de pierres sèches (moellons de pegmatites) de plan quadrangulaire d’environ 7,50 m de côté, aux angles nord marqués par des structures subcirculaires en petit appareil de pegmatite et schiste (ST 20 à 22). Le creusement du puits de la cour et le nivellement de celle-ci ont oblitéré les angles sud de cet édifice.
L’occupation du site s’avère donc contemporaine du mouvement général de fortifications qui s’est traduit, selon les cas, par la réutilisation d’éperons barrés pré- et protohistoriques, par les constructions ou réfections de résidences aristocratiques et de fortifications de la période Ve - Xe siècle, puis par l’édification de mottes castrales dont certaines n’eurent qu’une existence éphémère.
Vers le Moyen Âge central : des extensions au Nord et au Nord-Est
Dans la dénivellation au nord de la cour on a pu observer, intégrés à la courtine nord, les restes en pierres d’origine locale, pegmatites et schistes, de deux états d’un bâtiment quadrangulaire (Xe –XIIe siècle) sur niveau de stockage à murs de pierre, voûté en berceau, et dont la façade aspectée plein sud s’ouvrait sur la cour alors que le mur nord s’appuie sur une base fortement talutée.
Le toit du bâtiment était couvert d’ardoises, assemblées au faîtage en lignolet croisé.
Premier logis
Les arases du premier niveau et les murs conservés du second, qui délimitent des dimensions intérieures relativement modestes (18m x 7m), conservent les caractéristiques d’une tour-résidence quadrangulaire dont nous ne pouvons plus savoir si elle était dotée d’une chapelle et d’éléments défensifs. Ce type de construction se développe en Europe occidentale de la fin du Xe siècle au XVe siècle, principalement aux XIe et XIIe siècles. Cette tour de la Hunaudaye apparaît comme le premier édifice seigneurial totalement en pierre, antérieur à la construction de la tour ronde philippienne. Cet édifice est en parfaite adéquation avec son contexte historique et archéologique. L’implantation de cet habitat en bordure d’un territoire du fisc indique qu’il était confié, à l’origine, à un représentant de l’autorité publique membre de la haute aristocratie ou à un de ses proches. A cet égard, il faut souligner les bonnes relations entretenues par le comte Eudes ou Eudon, père de Geoffroy Boterel Ier installé à Lamballe dans les années 1070, avec le comte d’Anjou Geoffroy II Martel (1040-1060). Ceci conforte l’hypothèse d’une implantation précoce, à la Hunaudaye, de la dynastie châtelaine des Tournemine attestée en Poitou, Vendée et Anjou à la fin du XIe et au XIIe siècle.
Au plan archéologique, nous ne connaissons du second état de la tour résidence, que les vestiges d’une couverture d’ardoises épaisses de provenance locale. Celles-ci étaient assemblées, au faîtage, en lignolet croisé. Cette technique s’est maintenue dans la région de Caurel (Côtes d’Armor) jusqu’au milieu du XXe siècle.
Au sud de la tour Nord-Est les dégagements de maçonnerie ont révélé, sous les constructions du XVe siècle, les vestiges de deux états du logis Nord-Est. Celui-ci, qui a pu relever des mêmes programmes de construction que la tour résidence Nord, est caractérisé par la présence, sur sa façade ouest, d’un contrefort hémicylindrique tel ceux rencontrés sur les châteaux édifiés par Foulques Nerra, comte d’Anjou de 987 à 1040. L’existence d’une articulation entre le premier état de cette façade et celui de la façade sud de la tour résidence nord (Logis Nord), n’a pu être vérifiée et, le cas échéant, étudiée faute d’y avoir accès.
Au Moyen-Âge central (1000-1300) : une tour maîtresse ronde
Au sud du logis Nord-Est, établi au-dessus du fossé T1, mais à l’est de la partie conservée de ce dernier fut construite une tour maîtresse d’inspiration philippienne, de plan circulaire : la tour Sud-Est, dite de « la chapelle ».
Sans doute faut-il mettre cette campagne de construction en relation avec les préoccupations de Philippe-Auguste et l’ascension de Geoffroy Ier Tournemine († v. 1222), sénéchal de Penthièvre en 1208, puis d'Olivier Tournemine († v. 1232) aidé par Pierre de Dreux dit Mauclerc. Ces données cadrent avec l’historiographie qui attribue à Olivier Tournemine la construction d’un premier château autour de 1220-1225 alors que le toponyme la Hunaudaes apparaît pour la première fois, sans mention explicite du château, en 1264, dans le testament de Geoffroi II Tournemine.
Transformation de la tour Philippienne
La tour de la Hunaudaye répond aux principes architecturaux des tours philippiennes, qui allient défense et résidence. Elle était dotée à l’origine de cinq niveaux dont quatre à plancher de bois. Le sous-sol aveugle, peut-être doté d’un puits, était relié par des échelles aux niveaux 2 et 3. Une tourelle d’escalier circulaire contemporaine de l’édification de la tour, plaquée au nord, desservait les niveaux 4 et 5. L’unique accès à la tour se faisait, à l’origine, par une passerelle reliée à la porte du troisième niveau, seule ouverture donnant sur la cour.
Au bas Moyen Âge (1300-1500) : reconstruction, progrès de la défense
Au début de la guerre de succession de Bretagne (1341-1368), la forteresse est en grande partie ruinée. La reconstruction s’adapte aux nouvelles tendances architecturales. Elle est probablement liée à l’érection de la Hunaudaye en châtellenie bannière en 1354. Les indemnités versées par Jeanne de Penthièvre († 1384) à Pierre II Tournemine († 1381) permirent sans doute d’étoffer la place forte par la restauration de la tour Sud-Est dite « de la chapelle », la surélévation de la tour Sud-Ouest dite « tour noire », ainsi que la rénovation de la Grande Salle.
Transformation de la tour Philippienne
Après la guerre de Succession de Bretagne qui provoqua de graves dommages au château, la seconde moitié du XIVe siècle vit se développer la restauration progressive de celui-ci. Au cours de la restauration de la tour de « la chapelle », les sols des niveaux 4 et 5 furent établis sur des voûtes d’arêtes. Le niveau 4, noble, comportait latrine et cheminée à colonnettes engagées à décor de feuillages. L’ensemble était désormais desservi par une nouvelle tour d’escalier polygonale ouvrant au niveau de la cour. Cette phase est contemporaine de l’édification de la courtine est et du comblement du fossé (T1) qui séparait la tour philippienne du reste de la forteresse.
Nouvelles fortifications, nouveaux logis
Une transition architecturale : la tour sud-ouest dite « tour noire ». Au même moment, furent construites la tour cylindrique sud-ouest (tour noire) et la « Grande Salle » limitée par la cour et la courtine ouest. Cette tour au talus peu marqué, de plan intérieur carré, est apparentée à quelques tours bretonnes postérieures à la guerre de succession telles que Cuguen (la Roche-Montbourcher), v. 1360-70 (?), Combourg (tours sud), Blain, château de la Groulais (tour des Prisons) 1385, par exemple. Avec ses deux premiers niveaux en moellons équarris subsistant d’un premier état, les trois niveaux supérieurs de pierre de taille en appareil très soigné et ses ouvertures de tir, au sud, réparties entre le premier et le second état, la tour « noire » constitue la transition entre la tour « de la Chapelle » et les trois grosses tours à espace intérieur polygonal décrites ci-dessous. On observe sur la face nord rectiligne de cette tour, en relation avec les deux états de celle-ci, les traces d’ancrage des deux toitures successives de la « Grande Salle » adossée à la courtine Ouest.
Vers la fin d’un monde
Les subsides résultant de la fidélité des Tournemine aux ducs de Bretagne (la Hunaudaye fut érigée en baronnie en 1487) puis au parti français contribuèrent largement aux ambitieux programmes de construction, englobant les trois grosses tours, qui s’échelonnèrent au sud, à l’ouest et au nord du château de la fin du XIVe au milieu du XVIIe siècle.
Dans le dernier tiers du XIVe et au XVe siècle, le château de la Hunaudaye, comme ses semblables, voit augmenter la taille et le diamètre de ses tours facilitant ainsi leurs fonctions résidentielles. En même temps, le développement rapide de l’artillerie accroît sensiblement la vulnérabilité des tours et courtines, notamment de leurs parties hautes.
Ainsi, paradoxalement, l’intérêt que présentent les améliorations de la fonction résidentielle des châteaux est contrebalancé voire annulé par la menace que représente l’artillerie à poudre. Dès lors certaines forteresses ont fait place à des résidences à pseudo-défenses (larges fossés, plan régulier, tours d’angle, canonnières) plus agréables à vivre qui annoncent la Renaissance tandis que les murailles et tours destinées à affronter ce nouvel armement voyaient diminuer leur hauteur (Guingamp, peu après 1446) et augmenter leur épaisseur ainsi que la largeur de leurs fossés et glacis, préparant la voie aux ouvrages militaires de Vauban.
La fin d’un monde : les trois grosses tours
Au centre de la cour (ZR), une épaisse couche d’argile rubéfiée correspondant à l’emplacement d’un foyer (de forge ?) a été datée, par archéomagnétisme, de 1435. Cette date pourrait indiquer le début de la construction des trois grosses tours. Celles-ci, à espace intérieur polygonal, sont toutes dotées d’ouvertures à coussièges et de canonnières en allège, c’est-à-dire dans la partie amincie du mur sous les fenêtres. Il s’agit des tours : Sud, dite « militaire », commandant l’accès au château ; Nord-Est, dite « donjon seigneurial », dotée de cheminées d’apparat aux niveaux 3 et 4 ; et Nord-Ouest, dite de « la glacière », dont le niveau inférieur aveugle devait contenir un dispositif à double paroi de bois, garni de paille, destiné à conserver la glace.
À l’époque moderne (fin XVe à fin XVIIIe siècle) : résidence, modernisation puis désintérêt
Parmi les ultimes travaux, on note l’établissement, entre la tour Nord-Est et le Logis Nord, de deux niveaux de carreaux de terre cuite posés sur quenouilles à manchon de torchis. Le niveau inférieur de ceux-ci a fourni une datation radiocarbone aux alentours de 1560.
Dans l’angle nord-ouest de la cour, l’escalier extérieur desservant les logis ouest, daté de la Seconde Renaissance française (1540-1589), fut vraisemblablement édifié dans la seconde moitié du XVIe siècle à l’initiative de Claude d’Annebault (époux de la dernière héritière en ligne directe du château et de la seigneurie de la Hunaudaye) ou des Tournemine de la Guerche, René Ier puis René II, possesseurs du château, de 1572 à 1609. Tout au long du XVIIIe siècle, le château, inhabité par ses propriétaires ne semble plus être au centre de leurs préoccupations.
De l’incendie révolutionnaire à la mise en valeur contemporaine
Au moment de la Révolution française, le château semblait protégé par la personnalité de son propriétaire, M. de Talhouët de Boishorand, élu maire républicain de Rennes en 1790, mais pour des raisons aussi symboliques que stratégiques, la forteresse fut attaquée par des révolutionnaires de Lamballe et Moncontour en octobre 1793 puis incendiée le 8 novembre de la même année. Après l’indemnisation de son propriétaire (4 000 francs en assignats) le château fut exploité, tout au long du XIXe siècle et au début du XXe, comme carrière au profit des constructions des environs et du manoir du « Châtaigner » tout proche, propriété de l’arrière-petit-fils de M. de Talhouët.
La forteresse subsistante, classée Monument historique par décret du 18 février 1922 fut achetée par l’État le 26 décembre 1930. Ouvert au public et mis en valeur par l’Association du Château de la Hunaudaye depuis 1977, le monument, acquis par le Conseil général des Côtes-d’Armor, est maintenant animé par une équipe professionnelle de gestion touristique et d’animation pédagogique.