Le monde de l’enfance à la campagne était autrefois jalonné par un certain nombre d’épreuves au cours desquelles Yann Grennard gravissait les échelons qui devaient progressivement le mener à l’âge adulte. La chasse aux nids constituait un degré important de cette progression.
Avant même l’arrivée du coucou, les garnements se lançaient à la recherche des « commençailles », cette ébauche de brindilles et de radicelles que les oiseaux avaient entrepris de tisser pour abriter leur couvée. Ils savaient en effet que les épousailles ont lieu en février : Da Ouel Mari ar Gouloù / a nem goubl al labousigoù, à la Chandeleur s’accouplent les petits oiseaux.
Les nids des petits passereaux, roitelets et rouges-gorges, étaient généralement épargnés. En effet, on avait entendu plus d’une fois à la veillée comment le premier avait arraché avec son bec une épine de la couronne du Christ et comment le second avait essuyé avec son poitrail la goutte de sang qui avait perlé sur le front du Sauveur. C’est pourquoi l’un avait gardé le bec en forme d’écharde et l’autre un joli plastron rouge.
En revanche, les nids de pies étaient la cible favorite des petits oiseleurs, d’autant plus que les dénicher constituait une performance qui plaçait le grimpeur, c’est le cas de le dire, au-dessus des autres. L’étape suivante consistait à gober un œuf tout cru. On perçait un petit trou à l’une de ses extrémités et on le supait, aspirait, comme on dit en Haute-Bretagne. Celui qui en était « kap » avait fait un pas en avant vers le monde des grands.