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Ar yezh - La langue

anjela

   Photographie : Yvonne Kerdudo

 

 

 

 

[...] Ha tiez, tiez, tiez oc’h aloubiñ ar maezioù ! 
Tiez simant-houarnet : kasedoù domino
Bouestoù madigoù livet glas ha roz, 
Bitrakoù. Breizh gallekaet.
A ! Va Breizh ! Petore louzoù-kousket 
A zo graet dit kemer gant Bro-C’hall ?
Kousket eo da ene
Kousket eo da ijin
Kousket da arz 
Da awen… 
Dindan vein louet.
Poent eo dihun ! Va bro garet 
Poent eo dihun !
Emañ hiziv Sul Fask [...]

 

Le moulin de Pont-Meur. La chapelle Saint-Gilles.
Et des maisons, des maisons qui envahissent la campagne ! 
Des maisons en ciment armé : boîtes de dominos 
Bonbonnières peintes en bleu ou en rose,
Joujoux. La Bretagne francisée. 
Ah, ma Bretagne ! Quels somnifères 
T’a fait prendre la France ?
Ton âme est endormie
Ton génie est endormi
Ton art est endormi
Ton inspiration… 
Sous la pierre grise.
Il est temps que tu te réveilles ! Mon pays aimé 
Il est temps que tu te réveilles !
Nous sommes le dimanche de Pâques

extrait de « Promenade à Guernachanay » - Quatre poires - Juin 1965

 

AR YEZH

LA LANGUE


Pour Anjela, le français reste la langue « étrangère » de l’école. 
« Le peu de français que j’ai pu ramasser dans mon bissac se trouve toujours à l’arrière et difficile à attraper. »
Elle se lance en 1962 avec la publication d’un poème, pour la revue Ar Bed keltiek.

Elle a 57 ans. Son premier recueil, Kan an douar, Le chant de la terre, est publié en 1973 aux éditions Al Liamm. 
De sa langue maternelle, Anjela dit qu’elle est l’expression de l’âme, une structure mentale et non un sujet d’études, un jouet, une distraction. 
« On ne devrait même pas oser poser la question : le breton, à quoi ça sert ? »
Anjela ne cessera plus de défendre sa langue, pourfendant de sa plume ceux qui y renoncent. 

 

 

arbres

   Photographie : Gilles Pouliquen

 

Eil bugaleaj

Da Ivona Martin

 

E milin an Amzer 'm eus malet

Pilhoù va yaouankiz.

Holl druilhoù va c'hoantiz.

Drailhennoù va Hunvre.

Froudennoù. Sorc'hennoù.

Ha poanioù. Ha kañvoù.

Holl 'm eus o distrempet

Gant c'hwezenn ha daeroù.

Ha poazhet an doazenn

E tan-flamm va c'halon...

Graet ganto follennoù,

A ferin : d'o lufrañ

Gant houarn kalet va youl.

Ha warno, me 'skrivo,

Gant livioù va soñjoù :

Faltazioù diboell

Va eil bugaleaj,

E yezh varzhus va Gouenn...

Mae 1963

 

Seconde enfance

à Ivona Martin

 

Au moulin du temps, j'ai moulu

Les guenilles de ma jeunesse

Tous les haillons de ma beauté,

Les lambeaux de mes rêves,

Les caprices, les fantaisies,

Et les peines, et les deuils.

Tous trempés

De sueur et de larmes ;

Cuisant la pâte

Au feu ardent de mon coeur,

J'en ai tiré des pages,

Repassées et polies,

Au fer de ma volonté.

Dessus, j'écrirai,

En couleurs de mes rèves,

Les imaginations insensées

De ma seconde enfance,

Dans la merveilleuse langue de mon peuple.

 

Mai 1963

 

 

 

 

 

   

Photographie : Gilles Pouliquen