C’est pour améliorer la ration alimentaire des combattants que les pouvoirs publics décidèrent, pendant la Première Guerre mondiale, de leur distribuer quotidiennement et à titre gratuit un quart puis un demi-litre de vin. En 1918, le ravitaillement réussit à doubler cette quantité en permettant aux soldats d’en acheter un demi-litre supplémentaire. La mesure se voulait hygiénique : l’approvisionnement en eau potable était difficile dans les tranchées et le vin était considéré par la plupart des médecins comme un antagoniste de l’alcool, sous condition d’en boire modérément, c’est-à-dire, selon les prescriptions adoptées en 1916 par l’Académie de médecine, pas plus d’un litre par jour.
Pour le poilu breton, ces distributions de vin étaient sans commune mesure avec sa consommation antérieure. Buveur régulier de cidre, il devint, le temps du conflit, buveur régulier de vin. Le pinard était de piètre qualité, qu’importe ! Il y trouva, comme tout poilu, le moyen d’apaiser sa soif, une source de palabres et de chansons, un remède contre le cafard et potentiellement un vecteur d’excès.
De retour au pays, les poilus bretons redevinrent majoritairement des buveurs habituels de cidre. Mais le vin bénéficiait d’une indéniable aura : pas de réunions d’anciens combattants sans quart de l’amitié ni banquets sans entonner en chœur La Madelon ou Vive le pinard. Il faudra toutefois une trentaine d’années pour que le vin, rouge et fortement titré de préférence, en provenance d’Algérie puis de divers pays de la CEE, conquière la Bretagne d’ouest en est.