Edouard Corbière, par ailleurs père du poète Tristan Corbière, peut être considéré comme la figure tutélaire des Bretons du Havre. Né à Brest le 1er avril 1793, il est inscrit à seulement neuf ans sur le rôle des mousses, peu après la mort de son père, capitaine d’infanterie de Marine. Sa jeune carrière de marin est marquée par une année de détention sur le ponton anglais de Tiverton en 1812, après sa capture au large des côtes du Trégor. Ecarté de la Marine à la Restauration pour ses opinions libérales, il devient journaliste pamphlétaire. Ses écrits dans La Guêpe, qu’il a fondé à Brest, et La Nacelle à Rouen, lui valent des déboires avec la justice. En 1823, il prend le commandement d’un navire de commerce qui relie Le Havre aux Antilles. Après six ans de voyages au long cours, il pose ses valises dans le port normand pour devenir le rédacteur en chef du Journal du Havre. Il accède également à la renommée littéraire grâce à un roman d’aventure maritime Le Négrier, publié en 1832.
« Homme multiple », Edouard Corbière fonde en 1839 la Compagnie des paquebots à vapeur du Finistère. Sur le modèle de ce qui existe déjà entre les différents ports normands, il crée une ligne maritime de bateaux à vapeur entre Le Havre et Morlaix, avec l’appui de négociants normands et morlaisiens. Le premier navire de la compagnie à sortir des chantiers Augustin-Normand du Havre est muni d’une roue à aubes. Le trajet inaugural du Morlaisien vers le port finistérien a lieu le 10 juillet 1839 et une foule de 30 000 visiteurs attend le steamer. A chaque traversée, qui dure une vingtaine d’heures, 150 Bretons peuvent embarquer en direction du port normand. La flotte de la compagnie est complétée en 1846 par Le Finistère, premier vapeur français construit en fer ; avant que Le Morlaix, un vapeur à hélice, ne remplace Le Morlaisien en 1867. Corbière dirige la compagnie jusqu’à sa mort en 1875.