L’architecture bretonne : une authenticité présumée, instrumentalisée, réinventée par Daniel Le Couédic
Au XIXe siècle, de nombreux peuples en quête d’émancipation — finlandais, slovaque, catalan, etc. — se persuadèrent que l’architecture avait été un marqueur de leur particularité et se devait de le demeurer. Parvenue en Bretagne, notamment par l’entremise des expositions universelles, l’idée y trouva des renforts venus de l’extérieur, d’abord hédonistes, comme le tourisme, mais bientôt politiques. Pour contenir les pulsions identitaires, le pouvoir central en vint en effet à combattre les différences qui lui paraissaient dangereuses pour son intégrité, les langues au premier chef, et à promouvoir celles qui lui semblaient inoffensives : les danses, les costumes, etc. Le régionalisme architectural en bénéficia dans l’entre-deux-guerres ; plus tard, le néo-régionalisme serait même réglementairement imposé. Jugés inauthentiques, l’un et l’autre furent dénigrés par certains milieux militants misant a contrario sur la capacité de l’identité à se réinventer dans la modernité, de façon imprévisible. Olivier Mordrelle et Maurice Marchal partirent ainsi en croisade contre « la Bretagne au biniou » tenue pour une « sanglante ironie ». Après-guerre, les jeunes architectes épris de modernité accusèrent encore le propos. Mais démonter et dénoncer une stratégie retorse condamne-il à l’opprobre éternelle les édifices qui en portent la marque ? N’auraient-ils pas échappé à la malignité de leurs instigateurs pour devenir l’expression d’une estimable différence ? L’inscription ces dernières années de maisons régionalistes à l’inventaire des monuments historiques le suggère. De surcroît, après avoir connu le discrédit, le régionalisme est à nouveau promu, paré désormais des vertus d’une résistance à la mondialisation et d’une contribution au développement durable.