La lutte bretonne n’est plus ce qu’elle était ? Par Dario Nardini
Le gouren est un style de lutte traditionnelle bretonne qui dans le dernier siècle a été transformé en sport compétitif, avec une fédération, des règles uniformes, des catégories de poids et d’âge, etc. Dans ce processus, il a quand même maintenu un lien fort avec ce que ses pratiquants appellent l’« esprit ancestrale » (c’est-à-dire authentique) de la pratique originaire. Cette « authenticité » est surtout définie aujourd’hui par son statut d’activité physique typiquement (authentiquement) « bretonne », c’est-à-dire représentative de la culture et de la tradition bretonnes ; et cette représentativité est définie à son tour par rapport aux traits culturels et aux valeurs qui ont été historiquement attribués aux concepts de « culture » et d’« identité » bretonnes (vus précisément comme des constructions historiques et sociales) et qui sont activement poursuivis et performés par les pratiquants de gouren. Parmi ces traits, une sociabilité moins égotique/hiérarchique et plus conviviale/inclusive, une attention à l’histoire, à la « tradition » et à leurs représentations comme sources d’identification collective, un rapport au paysage et à la nature comme fondement de cette histoire et de cette identité.
Le gouren continue donc à passionner parce qu’il constitue une activité capable de séduire un public contemporain intéressé par son côté sportif et compétitif mais, en même temps (et paradoxalement), parce qu’il s’oppose à la compétitivité et à l’individualisme de certains sports contemporains plus connus et médiatisés, en se proposant comme domaine de continuation des valeurs et des modèles de relations sociales plus historiques, plus traditionnels, plus humains – en un mot, plus authentiques.
Conférence organisée dans le cadre des Deizioù.