5.5

La ragosse, un arbre torturé ?

La forme des ragosses ne laisse pas indifférent, et ses défenseurs sont souvent aussi virulents que ses détracteurs. Dès le XIXIe siècle, le débat est engagé, et n’oppose pas simplement ruraux et urbains. Il renvoie plutôt dos à dos fonctionnalistes et naturalistes, romantiques et réalistes…

Gravure de couverture : Jean Frélaut - 1922

La forme des ragosses ne laisse pas indifférent, et ses défenseurs sont souvent aussi virulents que ses détracteurs. Dès le XIXe siècle, le débat est engagé, et n'oppose pas simplement ruraux et urbains. Il renvoie plutôt dos à dos fonctionnalistes et naturalistes, romantiques et réalistes...

Les lavandières de la nuit, peinture sur toile de Yan'Dargent, vers 1861. Musée des Beaux-Arts de Quimper.

 

« Nous recommandons l'émondage pour les arbres qui bordent les champs. Bon nombre de forestiers sont tout à fait hostiles à cette opération. (Ils la qualifient de meurtrière.) Nous prenons à cœur, aussi bien que qui que ce soit, la beauté d'un arbre non mutilé, les charmes d'un paysage décoré d'arbres bien voûtés ; mais cela ne nous empêche pas de trouver bonne une habitude moins esthétique, mais opportune dans les circonstances climatériques particulières où nous nous trouvons. N'est-il pas meurtrier, contre nature, de châtrer un mouton ! et pourtant personne ne trouve étrange qu'on le fasse, parce que l'opération est avantageuse et adaptée à nos relations économiques.

Que les forestiers qui ne veulent pas qu'on émonde les chênes viennent passer quelques temps en Bretagne, il se rendront peut-être à nos sentiments. »

Les tossards, gravure de Jean Frélaut, 1922. Musée départemental breton de Quimper.

Jules Reffel,
Fondateur de l'enseignement agricole breton,
vers 1840

 

« Cette pratique dont il est sage de peser les résultats dans leurs rapports avec les localités, sera toujours funeste à la prospérité des arbres. Elle leur cause plusieurs maladies telles que des plaies, des ulcères, des tumeurs, la décurtation, la gelivure, etc., qui les réduisent à un état de langueur et de décrépitude prématurée, avant-coureurs d'une mort prochaine, ou signes certains d'une végétation rabougrie.

Il n'est pas aisé de réprimer ce procédé destructeur, consacré en Bretagne par une habitude immémoriale, laquelle on ne parviendra à modifier ou à déraciner que par l'instruction, les ménagements et la persévérance. Cette réforme s'opérera d'autant plus difficilement que les lumières ne parviennent et ne se répandent dans le pays qu'avec une lenteur désespérante. »

J.V. Degland,
Professeur d'histoire naturelle,
Directeur du jardin des plantes de la ville de Rennes,
en 1812