Contrairement aux légendes, la plupart des pirates ne trouvent ni or, ni argent, ni pierres précieuses dans les navires capturés. Les butins sont constitués à 51 % de matériels divers (agrès et apparaux, instruments de navigation, cartes, armes, coffres de chirurgie, vêtements…), à 28 % d’éléments de cargaison (surtout du sucre brut), à 13 % de vivres, et seulement à 8 % d’or et d’argent. Il s’agit le plus souvent de vols de moyens de subsistance, visant une autoconsommation par le biais du pillage.
Beaucoup de pirates ne savent pas quoi faire des marchandises coloniales transportées par les navires marchands et les jettent parfois à la mer, occasionnant des pertes énormes que l’on peut estimer à 2,5 millions de livres pour les armateurs et négociants français durant les années 1713-1730. D’autres pirates les donnent aux marins attaqués en compensation du pillage de leurs biens personnels.
En revanche, certains pirates disposent de réseaux de recel bien établis : Deniau revend par exemple les navires capturés dans les ports espagnols. De même, le 8 avril 1721, le pirate Laubé pille un navire anglais près de Sainte-Lucie et, le même jour, il confie le butin (constitué de barils de farine et de bœuf) à un bateau martiniquais commandé par un nommé De Genne. Le 9 avril, dans une anse discrète de la Martinique, ce dernier y débarque les barils afin de les cacher chez des complices à terre. Ceux-ci se chargent ensuite de les revendre, sans doute au détail, dans la colonie. Quelques jours plus tard, De Genne rejoint Laubé en Dominique afin de lui amener, en échange, des provisions, des hommes qu’il a recrutés, et des renseignements sur les déplacements des navires. Cet exemple n’est pas isolé : le recel des marchandises négociables (qui regagnent ainsi les circuits commerciaux) permet le ravitaillement des pirates mais ne les enrichit pas en espèces sonnantes et trébuchantes.
