Les accusés et témoins de la campagne, majoritairement bretonnants, font face à des magistrats francophones : ce sont les interprètes de langue bretonne qui servent de pont entre les deux mondes. Les textes de procédure pénale du XIXe siècle maintiennent les règles édictées sous l’Ancien Régime : quand l’accusé ou le prévenu ne parle pas le français, l’interprète est de droit, et reste présent auprès de lui devant le juge d’instruction et le jour de son procès. Les propos des témoins bretonnants sont traduits en français, comme les questions des magistrats ou des jurés sont traduites en breton. C’est une règle qui, certes, alourdit les débats, mais qui est toujours scrupuleusement respectée sous peine de nullité de la procédure. L’intervention de l’interprète modifie sensiblement les rapports des protagonistes au procès. Mais les observations des magistrats sur les procès avec interprète portent essentiellement sur deux points : l’allongement de la durée des audiences et le risque d’erreur de traduction.
L’interprète n’est pas un professionnel. Assimilé à un expert ordinaire, il doit avoir plus de 21 ans et prête serment avant chaque audition de traduire fidèlement les éléments du débat. Il doit capter le message de l’accusé ou du témoin dans toute sa subtilité, et faire passer autant les mots que les idées. La tâche de l’interprète de la cour d’assises du Finistère, où s’expriment des locuteurs de tout le département avec des parlers bretons différents, est des plus délicate.
Malgré le développement de l’instruction dans le monde rural dans le dernier quart du XIXe siècle, l’interprète reste une figure familière des palais de justice finistériens jusqu’à l’entre-deux-guerres.