Au Moyen Âge
Le mobilier est limité (sièges, lits, tables et coffres) et conçu pour être facilement démonté et transporté, les nobles changeant régulièrement de lieu de résidence.
Il faut attendre la fin du XIVe, voire le début du xve siècle pour, à partir d’éléments significatifs, se faire une idée des différents mobiliers.
Les règles de construction des ouvrages sont alors établies par les corporations et se répandent dans les villes et les bourgs via les compagnons et les ateliers des grandes villes.
C’est probablement à cette époque qu’apparaissent les premiers assemblages à tenons et mortaises.
Un premier meuble : le coffre
Comme dans beaucoup de régions de France à cette époque, le meuble type est le coffre.
En Bretagne, il est en chêne composé de montants et traverses de forte section assemblés à tenons et mortaises chevillés et de panneaux libres de jouer dans les rainures. Un plateau, généralement bombé, le couvre. Ce plateau s’articule avec des anneaux forgés et est maintenu clos par une serrure à moraillon.
Ses dimensions et proportions varient en fonction de l’usage. Il pouvait servir à serrer grains, denrées alimentaires, linge, vêtements, etc. La façade est souvent agrémentée de décors moulurés ou sculptée de motifs floraux ou géométriques. C’est dans ces décors que s’exprime la singularité de la Bretagne.
Du coffre à l’armoire
C’est vers le milieu du XVIIe siècle qu’apparaît l’armoire. Il faut attendre le début du XVIIIe siècle pour voir se diffuser ce meuble dans les intérieurs ruraux.
S’inspirant du même principe de construction que le coffre, elle ouvre par deux vantaux.
L’armoire caractéristique de cette époque est composée de larges montants et traverses moulurés assemblés en leur extrémité supérieure à flottage d’onglet.
Elle est de petite taille (environ 1,90 m de haut, 1,30 m de large et 0,60 m de profondeur). En partie inférieure, les montants filent jusqu’au sol pour ainsi former les pieds.
La traverse basse peut être également assemblée à flottage d’onglet ou être plus imposante et composée de panneaux.
Les portes sont également composées de montants et traverses moulurés dans lesquels s’inscrivent deux ou trois panneaux. Les fiches et entrées de serrures sont en fer.
Le panneau central est souvent tourné, les panneaux de part et d’autre peuvent être droits, polylobés, tournés ou à pointes de diamants.
Il subsiste plusieurs témoignages de meubles polychromes, certains meubles étaient également peints au minium de plomb.
Les meubles de port
C’est également à cette période que la Bretagne, via ses grands ports de commerce de Saint-Malo, Morlaix, Nantes et à la création des compagnies des Indes, connaît un important essor économique.
Les armateurs, les marchands, ainsi que les investisseurs, font fabriquer un type d’ouvrages spécifique appelé aujourd’hui « mobilier de port ».
Pour meubler leurs demeures ou hôtels particuliers, ils commandent des ouvrages réalisés en bois des îles (acajou, amarante, gaïac, miura-cataria et autres bois de rapport) avec lesquelles ils commercent.
Les premiers mobiliers malouins semblent être ces grands buffets à quatre portes ornées de moulures ondées ou guillochées, d’inspiration flamande.
Se décline ensuite une production de bureaux de pente, commodes, buffets plutôt d’obédience Louis XIV ou parfois inspirée du mobilier anglais.
Nantes, qui connaît un essor économique plus tardif, voit ses artisans, constitués en jurande, produire du mobilier plus généralement d’obédience Louis XV.
L’affirmation des terroirs
L’usage de doter l’épouse d’un jeune ménage d’un ensemble de mobilier composé en général d’une armoire, d’un lit, d’une table et de bancs, a permis de constituer des collections parfois imposantes de meubles.
Durant le dernier quart du XVIIIe et la première moitié du XIXe siècle la production de mobilier se diversifie et une identité de terroir s’affirme.
C’est dans la répartition des panneaux, les moulurations, les différentes essences de bois, les motifs des entrées de serrures que s’exprime cette singularité.
Ainsi, le Pays bigouden et la Cornouaille vont se démarquer par l’usage fréquent de clous à cabochon de laiton disposés en motifs floraux ou géométriques. Le Pays vannetais, par l’usage de galeries de fuseaux, sur les lits clos notamment, et l’emploi de marqueterie incrustée en bois contrasté.
L’emploi du châtaignier apparaît plutôt en Bretagne sud (Cornouaille, Pays vannetais), le merisier, plus à l’est, jusqu’au bassin de Rennes.
Le Pays rennais sera caractérisé en effet par l’utilisation du merisier et des armoires finement sculptées.
Durant la seconde moitié du XIXe siècle, l’industrialisation et le chemin de fer modifient sensiblement les goûts. Ainsi apparaissent l’horloge comtoise, le lit de coin, etc., fortement influencés, comme les autres meubles, par le style Louis-Philippe.
Les techniques de construction du mobilier évoluent, les proportions des armoires s’affinent.
De la maison au musée
La fabrication industrielle, active notamment à Auray, prolonge la vie du style breton en adaptant ses critères esthétiques à la fabrication moderne. Ce style perdure pratiquement jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, mais, durant les trois décennies suivantes, les modes de vie évoluent : on veut « tourner la page ». Ces meubles anciens ou de style néo-breton, devenus « vieillots » aux yeux de beaucoup, ne trouvent plus place dans les intérieurs « modernes ». Ils sont relégués dans les garages, les greniers ou deviennent des pièces de musée.
L’apparition des premiers magasins de meubles engendre la disparition des menuisiers et ébénistes fabriquant les meubles à l’unité.
Dans les années 1970, avec le renouveau de la culture bretonne, on redécouvre l’intérêt esthétique de ces meubles bretons. Après restauration ou transformation pour certains, ils retrouvent une place permettant ainsi de conserver un patrimoine singulier.