Un Bordelais promoteur du rugby à Nantes : Pascal Laporte
Lorsque, en 1907, Pascal Laporte s’installe pour des raisons professionnelles à Nantes, son passé de rugbyman plaide pour lui. Capitaine du Stade bordelais Université Club (SBUC), multiple champion de France, il est alors l’un des rares Français à avoir joué pendant deux ans en Angleterre, à Liverpool, où il occupait le poste de trois-quarts.
Le rugby est déjà présent dans la région nantaise grâce à Charles Bernard, ancien international, joueur du Stade français, fondateur du Racing Club de Basse-Indre-Couëron, et aux lycéens de l’équipe du Stade nantais, champion de France interscolaire en 1907. Toutefois c’est Pascal Laporte qui s’attache à développer les structures sportives solides nécessaires à l’enracinement du rugby.
En 1909, il est à l’origine de la fusion de deux équipes nantaises de rugby dans un nouveau club : le Stade nantais Université Club (SNUC). Pascal Laporte ne va avoir alors de cesse de créer une équipe capable de rivaliser avec les meilleures. Plusieurs de ses équipiers bordelais – Henri Lacassagne, Augustin Hourdebaight, Hélier Thil – le rejoignent à Nantes ainsi qu’un ancien international gallois, Percy Bush. « Cette équipe inconnue il y a deux ans est, à l’heure actuelle une des meilleures de France » explique, en décembre 1910, le journal parisien Excelsior alors que le SNUC domine le championnat de l’Atlantique organisé par l’Union des sociétés françaises de sports athlétiques (USFSA). Révélateur du succès du rugby, sept équipes du SNUC sont engagées dans ce championnat. Les équipes de minimes et de vétérans contribuent à élargir la base générationnelle des sportifs et révèlent l’intérêt grandissant pour ce sport. D’autres clubs se créent régulièrement et plus de vingt équipes de rugby sont présentes dans la cité des ducs de Bretagne avant le déclenchement de la Première Guerre mondiale. Le football fait pâle figure avec un seul club – le Club nantais d’association – destiné exclusivement à la pratique du ballon rond.
Un Parc des Sports pour un public de « fervents du ballon »
Le développement de la pratique sportive et plus particulièrement le succès du rugby nécessitent la construction d’un stade pouvant accueillir le public dans les meilleures conditions. La municipalité nantaise dirigée par Paul Bellamy accorde, en juillet 1911, la concession du terrain du Champ de Mars à la société du Parc des Sports en vue d’aménager un stade et un vélodrome. Des tribunes, des vestiaires, des bains-douches, des emplacements pour les places populaires sont également prévus.
Le Parc des Sports est inauguré officiellement en décembre 1911 avec la venue de l’équipe de rugby d’Oxford devant environ 6 000 spectateurs. Dans son discours d’inauguration, Paul Bellamy justifie ce nouvel aménagement : « Nous n’avons pas seulement l’ambition d’aider au développement des arts, du travail et de la pensée, de faire de Nantes un centre intellectuel, industriel et commercial, nous avons aussi l’ambition d’en faire un centre sportif et de démontrer que la race bretonne, race lente, mais persévérante, est capable de faire sur ce terrain encore, l’effort nécessaire pour se pousser au premier rang ». Tout est fait pour attirer le public nantais. Les enfants des écoles accompagnés de leur maître peuvent assister gratuitement aux entraînements et deux cents places gratuites leur sont accordées lors des matchs. « De spectateurs, ils deviendront acteurs » plaide alors dans Le Phare de la Loire, Eugène Doceul, directeur-gérant du Parc des Sports. Des banderoles installées dans la ville annoncent les matchs de rugby à venir et les prix des entrées sont adaptés à la diversité sociale des spectateurs. L’affluence dans les stades reste toutefois difficile à mesurer. Les chiffres publiés dans la presse sont toujours ronds. Les articles des chroniqueurs sportifs soulignent régulièrement le soutien des spectateurs, parfois qualifiés de « braillards », aux équipes locales et les applaudissements des « fervents du ballon » pour saluer les actions de jeu.
Le rôle essentiel des chroniqueurs sportifs
Les quotidiens développent leur rubrique sportive, notamment Le Phare de la Loire et Le Populaire, et une nouvelle catégorie de journalistes apparaît : celle des chroniqueurs sportifs. Peu d’entre eux signent leurs articles mais les récits de matchs qu’ils publient révèlent une bonne maîtrise des règles du jeu. « Nous ne négligerons aucun effort pour intéresser ceux pour qui ces mots ne sont pas vains : La saison de football est commencée » indique ainsi, en 1911, le chroniqueur sportif du Phare de la Loire en annonçant la reprise des matchs de rugby à Nantes. Le terme de « football » désigne alors le rugby tandis que celui d’« association » s’applique au football. Les chroniqueurs sportifs s’expriment le plus souvent à la première personne du singulier et indiquent clairement leur avis sur le match, l’équipe, les joueurs, l’arbitre et le public.
Par la place accordée au sport et plus particulièrement au rugby lors de la saison sportive d’hiver, la presse contribue à accorder ses lettres de respectabilité à un sport dont on dénonce parfois la violence. Un sport dont la pratique perdure à Nantes pendant la Première Guerre mondiale et se maintient dans les années d’après-guerre. Un ancrage qui confirme que Nantes, avant de vibrer pour le football, a été une terre de rugby.