Photographie : Gilles Pouliquen
TRAOÑ-AN-DOUR,
TREGOR,
BRETAGNE
Anjela Duval naît au Vieux-Marché, Côtes-du-Nord, en 1905. Le chemin de l’école est bordé de talus, frangé de châtaigniers et de noisetiers.
Anjela est fille unique. Elle aime à grimper aux arbres. A douze ans, certificat en poche, il lui faut renoncer aux études pour aider aux travaux de la ferme, à Traoñ-an-Dour. Il lui faudra la tenir seule, à bout de bras, à bout d’espoirs et de désillusions. Toute une vie.
Muzik ur gistinenn rous o tifaragoelliñ eus beg ar wezenn :
un notennig skañv war bep delienn.
La musique que fait une châtaigne en dégringolant de
la cime de l’arbre : une petite note à chaque feuille.
Ur gwiñver o krignat un aval-pin, azezet ken fentus war ur skourr.
En-dro deoc’h frond an turkantin.
Un écureuil grignote une pomme de pin, assis de façon comique sur une branche.
Tout autour l’odeur du thym.
« Petites choses agréables » – Quatre poires, traduit du breton par Paol Keineg.
Traoñ-an-dour
Poan ha dudi
Tomm-berv eo an heol. Tomm-gor an douar.
'Hed eurioù hag eurioù daoubleget
War labourioù tenn ; prest on da fatañ,
Talmoù va c'halon a voud em divskouarn
Trellet, boudinellet, mezvellet.
Ret-mat eo din ehanañ pe kouezhañ...
'N em stlejañ 'ran gorrek da harpañ er c'hleuz.
(Kleuzioù kozh madelezhus emeur o klask lazhañ !)
Gant freskter an aezhenn e disheol an dervenn,
Va gwad a sioula. Va nerzh a greñva,
Va skuizhder a dec'h, ha va sell a sklaera.
Ha bravañ taolenn a verzan dirazon !
En dostalenn rag-enep : Koad bihan Poull-Ankoù,
Soubet er vorenn c'hlas.
Liv gwer-don ar gwez-derv a seblant din du
Ar faouenned dougerezed kivij zo merglet o dremmoù.
Dantelezhenn an Onnenn zo mistr ha skañv.
E gwerniennoù ar pupli zo c'hoazh delioù tener.
Hag e-kreiz ar C'hoad : un tarchad sklêrijenn :
Bolz arwenn ar gistinenn 'n he bleuñv,
'Vel ur gwispon ramz bet soubet er c'hoaven !
Da dedennañ ar gwenan ?...
24 a viz Gouere 1963
La peine et le plaisir
Le soleil brûle. La terre est torride.
Pliée en deux depuis des heures et des heures
À des travaux difficiles ; je vais défaillir,
Les coups de mon cœur me battent aux oreilles
Éblouie, étourdie jusqu'au vertige.
Il vaudrait mieux que j'arrête ou je tombe...
Je me traîne lentement pour m'appuyer au talus
(Vieux talus généreux dont on cherche la mort !)
Grâce à la fraîcheur qui souffle sous le chêne
Mon sang s'apaise. Mes forces reviennent,
Ma fatigue s'enfuit, ma vue s'éclaircit.
J'ai sous les yeux le plus beau des tableaux !
Dans le bas, en face : le petit bois de Poull-Ankou,
Baignant dans un brouillard bleu.
Le vert profond du chêne me paraît noir
Les hêtres chargés de faînes ont un visage de rouille.
La dentelle du frêne est fine et aérienne.
Dans les mâts des peupliers des feuilles tendres.
Et en plein milieu du Bois : une tâche de lumière.
Arc blanc du châtaignier en fleurs
Comme un pinceau géant qui aurait trempé dans la crème !
Pour attirer les abeilles ?...
24 juillet 1963
Quatre poires, traduction Paol Keineg.