I sont l’ame qhutée du monde.
Poulpiqhets, Margots, seraines, bétes mirabillas, esprits subllous ou ben ecllérous... I n-n a des étrs enjinës bertons. I sont les eritiérs folclorizës des esprits de la nature. Concevair la relijion come avant la Crétientë done a chonjer qe den châqe endrets de l’univers n-i a eune pouance pouint vayabl qi le mene.
Come les sebllants, i s’atirent la netée surtout e i sont de l’aotr monde ou ben de l’aotr bord, li q’a sinifiance en Bertègn de : par-su qhi q’ét vayabl, e qi n’ét pouint gardë forcenément pour la mort. Les oumains e les étrs de l’aotr bord (ou ben de l’aotr monde) s’entr-partaijent don bechevet les mémes endrets, qe la net ét yelle pour les segonds.
Les esprits des leûs
I sont les baçadous entr les dieûs e les omes, q’i n-n ont poûr e q’i nen sont en adorézon devant yeûs-aotrs. Ça q'ét ben entendu a caoze qe les dieûs taent en pllace avant les omes e q’i se n-n alent pouint de lous terrouere sans pouint ren en pour.
Les siens q’emayent le pus enchernent l’anme d’eune nature rufaije, doutante, més pouint tenant maovéze. I fénent les leûs essoulës ou ben q’ont le lôz d’étr gandilleûz : bouéz, sourterres, ponts, loûs, jaonaes, câroujes, o un gout pour les endrets ghenachouz. Les endrets-la, dits su l’ourée ou de pâssaije, menent du cai aqenû ao cai pouint qenû, du bord-ilë a l’aotr bord, d’eune berouée de temp a eune aotr. Les fées des fontaines, les Morganes e les heurlous des gréves sont de la sorte-la. De méme, la perzence des poulpiqhets perchain des roches piqhées amontere comben qi sont d’eune relijion d’avant.
Ben pus famillieres, les petites qeriatures, des menieres de folets (fées ou jetuns) sont enchevillées és ôtieûs, és bétes e és afiaijes. Devouayées més etout emistonées e braqes, il esperent pâs-meins du respet e de la reqenéssance des siens q’i gardent.
Eune entr-viverie a l’etret : ao pus fôt come ao pus pire
Les korrigans volent les enfants, les fées s’unissent aux mortels, les sirènes les noient parfois, tandis que d’autres les avertissent d’un sinistre. Il semble qu’ils aient besoin des hommes pour survivre et se régénérer. L’inverse est tout aussi vrai : les hommes ont besoin de ces êtres qui savent se montrer indispensables et réalisent leurs désirs secrets : richesse, amour, beauté.
Poètes, danseurs, musiciens, artisans, médecins, ils se métamorphosent à volonté, commandent aux éléments, sont quasiment immortels et possèdent des trésors cachés. Heureux celui qui a leur faveur car ils lui feront de précieux dons, mais malheur à lui s’il les déçoit car leur vengeance sera terrible ! Les relations sont régies par un certain nombre d’interdits et de devoirs mutuels, une sorte de contrat qui ne souffre aucune dérogation.
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Chassez les vieux démons…
Incapable d’éradiquer les vestiges païens de la foi populaire, l’Église catholique dut les assimiler ou les diaboliser. Le calendrier des fêtes chrétiennes fut ainsi largement calé sur celui des anciennes fêtes celtiques et les innombrables « fontaines aux fées » dédiées à la Vierge. D’ambivalentes, les créatures non assimilables devinrent maléfiques et désignées par un vocabulaire adéquat : diable, démon, sorcière. Ces dernières sont particulièrement virulentes après le crépuscule, au moment où baisse la vigilance morale. C’est la nuit, en effet, que surgissent les mauvaises pensées, les mauvais esprits et que se déroulèrent les fêtes lunaires requalifiées de sabbats sataniques. Opposée à la lumière divine, la nuit fut frappée de nombreux interdits et devint le temps de tous les dangers, naturels et surnaturels.
La pression cléricale réussit à modifier les comportements mais ne modifia pas la foi populaire en profondeur, en raison, notamment, du goût bien connu des Bretons pour le merveilleux. Honorant Dieu et tous les saints, ils continuèrent à vénérer les forces naturelles sans y voir de contradiction.
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Derrière la fantasmagorie : une leçon de sagesse ?
L’une des fonctions principales de ces êtres leurs fonctions principales est d’expliquer l’inexplicable dans un monde plein de périls réels ou imaginaires. Qui provoque les coups de grisou si ce n’est le lutin des mines qui veille sur ses trésors souterrains ? À l’inverse, ils ont un rôle protecteur, soit en prévenant l’homme du danger, soit en le dissuadant de s’aventurer dans les endroits dangereux. C’est le cas des hurleurs des grèves qui ont un rôle dissuasif par la peur qu’ils inspirent, avant d’avoir un rôle punitif en noyant les récalcitrants.
Dotés d’une grande moralité, ils ont encore une fonction de « gendarmes de l’au-delà ». Ils détestent les fainéants, les buveurs, les curieux, les jaloux, les parjures et même les blasphémateurs. L’histoire des deux bossus et des korrigans est révélatrice : le gentil bossu finira droit comme un i, mais le méchant se retrouvera avec deux bosses.
Enfin, ils rappellent que l’homme n’est pas le maître du monde et que la nature supporte mal son insatiabilité. Respect de « l’Autre » ? Comportement écologique avant l’heure ? La féerie dispense parfois une bonne leçon de sagesse.