Byniou, benio, veze, musette, hautbois…
A gauche : Biniou. Wikimédia
Au centre : Veuze trouvée à Froidfond (Vendée) par Louis Gillet. Coll. Association Sonneurs de Veuze, EthnoDoc & Arexcpo
Au-delà de leur seule différence de longueur, qui fait sonner le biniou un octave au-dessus de la veuze, les perces intérieures des chalumeaux des deux cornemuses ne sont pas conçues de la même façon.
A droite : Bombarde en buis à 6 trous sans clefs, un modèle répandu en pays Vannetais. Wikimédia
Dès 1464 les termes bombart et benny figurent dans le Catholicon de Jehan Lagadeuc, mais on ne sait pas à quels instruments ils se réfèrent. Dom Le Pelletier écrit en 1716 dans le manuscrit de son Dictionnaire de la langue bretonne que biniou « se dit en particulier du hautbois et de la musette, instruments qui servent beaucoup en Bretagne à faire danser les paysans ».
Un duo instrumental populaire spécifique à la Bretagne
L’association en duo d’un hautbois et d’une cornemuse au chalumeau court n’est attestée en Bretagne de façon irréfutable qu’à partir des années 1800 grâce aux dessins réalisés par Olivier Perrin à Kerfeunteun, près de Quimper. Le court levriad (chalumeau) de cette cornemuse joue à l’octave supérieure du hautbois ; cette particularité, ainsi que l’habitude du sonneur de bombarde de ne jouer qu’une phrase sur deux, fait du jeu biniou-bombarde une seule entité sonore servie par deux musiciens.
À l’apogée du couple biniou-bombarde vers 1900, des styles de jeu virtuoses se sont développés en Basse-Cornouaille, tandis qu’en Vannetais les sonneurs privilégient les mélodies proches des airs chantés. Le jeu en couple est également bien implanté autour de Loudéac. Les sonneurs se fournissent essentiellement à Lorient, où des facteurs professionnels comme Jean-Pierre Jacob sont réputés. Aucun instrument antérieur au milieu du XIXe siècle n’a toutefois été retrouvé.
Des concours de « musique pittoresque »
Les romantiques puis les folkloristes ne manquent pas de relever l’originalité du duo biniou-bombarde et ils encensent des musiciens populaires comme Matilin an Dall (« Mathurin l’Aveugle », 1789-1859), virtuose de la bombarde de Quimperlé. À partir de 1880 fleurissent en Basse-Cornouaille et en Vannetais les « concours de biniou », qui mettent en exergue la pratique du jeu en couple biniou-bombarde au dépend des autres traditions instrumentales bretonnes. Mais cela ne suffira pas à enrayer son déclin : dans les années 1930, rares sont les sonneurs qui animent encore noces et fêtes populaires.
La veuze, l’autre cornemuse bretonne
En Haute-Bretagne, les sonneurs de veuze, cornemuse jouée en solo, ne bénéficient pas de cet intérêt des folkloristes. Vers 1900, une vingtaine de veuzous seulement jouent encore en presqu’île Guérandaise et dans le Marais breton-vendéen. Aucun d’entre eux n’a été enregistré, mais les recherches de Bernard de Parades puis de ceux réunis à partir de 1976 dans l’association Sonneurs de veuze préservent de l’oubli la seconde cornemuse bretonne, dont le chalumeau, qui lui est spécifique, sonne une octave en dessous de celui du biniou.
De la biniouserie à l’emblème d’une culture
En 1940, les biniaouers ont rangé leur instrument. Pourtant des militants refusent d’oublier cette musique populaire. En premier lieu Polig Monjarret (1920-2003), qui va recueillir dans les années 1940 les airs des derniers sonneurs de couple et les met en valeur auprès des jeunes sonneurs de cornemuse écossaise qui s’inscrivent en masse dans les tout nouveaux bagadoù. Vers 1960, le biniou « kozh » (vieux) revient à la mode aux côtés de la cornemuse écossaise, baptisée « biniou braz » (grand biniou). Les collectes des années 1970 permettent de rencontrer de vieux sonneurs aux styles originaux. Depuis, les couples biniou-bombarde se comptent de nouveau par centaines en Bretagne.
Plus d’un siècle sépare les deux photos… Mais le duo musical n’a pas changé : même instruments, même position du talabarder à droite de son biniaouer… et sans doute ces deux couplent sonnent pour faire danser !