Piste, pistard, partir en piste… c’est dans les années 1970-1980 que ces expressions venues de Basse-Bretagne, diffusées dans le monde étudiant et relayées par les médias, ont connu un indéniable succès, au point qu’une campagne régionalisée de prévention lancée en direction des jeunes en 1985 retenait pour signature : « je choisis la bonne piste ». En plein renouveau culturel, la piste, qui désigne généralement un type d’alcoolisation associant déambulation nocturne et ivresse, sera même revendiquée par certains comme un marqueur identitaire, une contestation du modèle dominant de la sobriété.
Martial Ménard voit dans le mot riboul l’origine de ces expressions : « mont e riboul a donné aller en piste », précise-t-il. Ces expressions, ces comportements s’inscrivent en outre dans la durée : partir en riboul, voilà qui rappelle « la virée de ribouldingue » de paysans bigoudens à laquelle fait allusion Per-Jakez Hélias dans Le Cheval d’orgueil.
Au temps de la biture express, ces expressions sont passées de mode, mais non ce lâcher-prise qu’est l’ivresse, et qui concerne jeunes et adultes, en Bretagne plus qu’ailleurs en France métropolitaine. Les permanences ne sont toutefois qu’apparentes. Chez les plus jeunes, l’ivresse relève désormais plutôt d’un entre-soi générationnel, d’un rituel d’intégration au groupe hors du regard des adultes. Au début du XIXe siècle en revanche, « la première leçon d’ivrognerie », ordonnancée par les proches, scellait le passage de l’enfance à l’âge adulte. Jusqu’aux années 1970, la première ébriété avait encore souvent pour cadre une fête familiale, la communion solennelle notamment.