Lannion abrite la plus célèbre troupe de théâtre en Breton du xixe siècle. Charles Le Goffic, qui la connaît bien car son père en a imprimé les pièces, en livre un portrait savoureux :
« La troupe de Lannion se disloqua vers 1860. Les manuscrits qu’elle avait en sa possession ou, comme on dit en Bretagne, les cahiers de tragédies, furent partagés entre les acteurs. Il y en avait de précieux dans le nombre. Beaucoup s’égarèrent. Ce qu’on put sauver du reste fut déposé à la Bibliothèque Nationale avec les autres mystères trouvés par Luzel dans ses diverses missions à travers la Bretagne. Mais personne ne prit soin de recueillir l’héritage dramatique de Pezron et de ses lieutenants. Le théâtre lannionnais avait cependant connu de beaux jours. On accourait en foule à ses représentations. Peut-être les acteurs n’apportaient-ils pas toujours un tact suffisant dans l’interprétation de leurs rôles. Le cidre frais et le gwin-ardent jouèrent plus d’un méchant tour, m’a-t-on dit, aux personnages sacrés de la pièce, déshabitués sans doute de nos libations terrestres. En général pourtant, ces acteurs lannionnais étaient de fort honnêtes gens, laborieux et paisibles, et que leur métier sédentaire (ils étaient presque tous tailleurs, menuisiers, tisserands, couvreurs) disposait à une certaine rêverie, compagne de leurs veilles solitaires. Les représentations qu’ils donnaient une fois l’an, si elles leur étaient un prétexte pour humer le piot de compagnie, satisfaisaient d’abord leur instinct du théâtre. Ces représentations étaient libres. Y assistait qui voulait et payait aussi qui voulait. Plusieurs représentations furent données à l’Allée-Verte, rue du Port, au Café des 50 couverts et, rue de Tréguier, au Chapeau Rouge. […]
Je ne sais trop ce qui amena la dislocation de la troupe lannionaise. L’administration impériale, sollicitée peut-être par le clergé, la voyait d’assez mauvais œil. À partir de 1860, il n’y eut plus que de loin en loin, dans le diocèse de Tréguier, des représentations dramatiques. Le bourg de Pluzunet, où s’était formée une nouvelle troupe d’acteurs, en donna cependant deux, en 1867, à Saint-Brieuc, sous la direction de Luzel, et en 1878, à Pluzunet même. Lanmeur eut aussi une troupe qui se disloqua vers la même époque. »