Un organisme issu du mouvement breton (emsav)
Le CELIB est créé le 22 juillet 1950 à Quimper. Fondateur et secrétaire général du comité, Joseph Martray est un militant du mouvement breton. Conscient des divisions et des limites de l’action des différents organismes constituant l’emsav et du discrédit qui frappe celui-ci à la Libération, il élabore une nouvelle stratégie visant à faire reconnaître les intérêts spécifiques d’un « peuple breton » (nom de la revue qu’il dirige de 1947 à 1950). Il est convaincu de la nécessité de regrouper les forces vives de la région autour d’un néo-régionalisme breton. Le CELIB tente donc de rassembler les élites politiques de toute obédience à l’exclusion des communistes, les élites socioéconomiques et les élites culturelles issues des grandes associations bretonnes fondées depuis la fin du XIXe siècle. Le succès rapide du CELIB doit beaucoup à l’énergie et à la perspicacité de Martray mais aussi à la personnalité éminente de son président, René Pleven.
L’interlocuteur privilégié de l’État en Bretagne
Le CELIB s’impose rapidement comme l’interlocuteur privilégié de l’État dans le cadre de la politique d’aménagement du territoire. Le comité breton promeut un développement régional à travers la modernisation des structures agricoles, le développement industriel et touristique ou encore l’amélioration des infrastructures de transport. Sous l’impulsion d’un géographe de l’université de Rennes, Michel Phlipponneau, le CELIB tente de coordonner et de structurer les demandes des milieux professionnels et des élus bretons dans le cadre de documents de planification régionale comme le Plan breton en 1952 ou la loi-programme pour la Bretagne en 1961. Le CELIB co-construit alors avec les représentants de l’État les documents prospectifs et les actions concrètes devant conduire à un développement régional soutenu afin de freiner les déséquilibres régionaux identifiés en 1947 par Jean-François Gravier dans son livre, Paris et le désert français.
Les « batailles » du CELIB, entre succès et crises
L’action du CELIB débouche sur quelques succès incontestables pour la Bretagne. Ainsi, en 1956, la Bretagne est la première région dotée d’un Programme d’action régionale largement inspiré par le Plan breton. En 1962, la « bataille du rail » permet l’octroi de tarifs spécifiques pour les exportations d’une région jugée trop excentrée par rapport aux grands marchés de consommation. En pleine crise de Mai 68, le gouvernement de Georges Pompidou accorde un plan routier breton, entre autres mesures, visant à une modernisation accélérée des régions de l’Ouest. Enfin, en janvier 1969, lors d’un discours à Rennes à propos de la régionalisation, le général de Gaulle déclare : « Ce qui a été fait en Bretagne avec le CELIB a été essentiel. C’est ce qu’il faut faire pour toute la France ».
Mais le CELIB est aussi frappé par plusieurs crises au cours des années 1960. À partir de 1962, Michel Phlipponneau entre en conflit avec une partie des responsables du CELIB, qu’il accuse d’une trop grande mansuétude à l’égard de l’État gaullien (la « trahison des notables »). Le CELIB doit aussi faire face à une recentralisation des politiques d’aménagement du territoire avec la création de la DATAR en 1963. La création des EPR, une certaine remise en cause des politiques d’aménagement régional ou encore la bipolarisation croissante de la vie politique sous la Ve République affaiblissent la cohérence et l’action du CELIB et mettent en cause son existence même, surtout après le départ de René Pleven et de Joseph Martray en 1972.
« L’esprit du CELIB »
Pour autant, le CELIB continue de fonctionner jusqu’au début des années 1990 et se signale encore par la production d’études solides et documentées.
L’histoire du comité, producteur d’idées, catalyseur des énergies et fédérateur des forces vives de la région, fait naître ce que beaucoup de responsables politiques et économiques bretons continuent d’évoquer sous le terme « d’esprit du CELIB », preuve de l’inscription incontestable de cet organisme dans la mémoire collective des élites régionales.