Ancienne grotte marine
Il s’agit d’une ancienne grotte marine dont le toit s’est progressivement effondré. Le remplissage témoigne d’un bilan sédimentaire assez faible, dominé par les dépôts littoraux anciens et avec de nombreux hiatus (érosions). Trois unités stratigraphiques (couche 9, couche 7 et couches 5 & 4), séparées par des dépôts littoraux correspondant à des phases d’interruption majeure de la présence humaine, renferment des niveaux d’occupation. La couche 5 en particulier est composée de plusieurs niveaux d’occupation (minces couches lenticulaires dues aux érosions et aux réaménagements anthropiques successifs). Les datations situent la première occupation humaine (couche 9) entre 500 000 et 400 000 ans. Les occupations des couches 4 et 5 se placeraient entre 300 000 et 400 000 ans.
Les outils en roches taillées
Notre connaissance des groupes humains qui se sont succédé à Menez-Dregan repose essentiellement sur les outils en roches taillées qu’ils ont abandonnés. Ceux des couches les plus anciennes (9 et 7) sont encore mal connus, dans l’état actuel de la fouille. L’industrie des niveaux supérieurs (couche 5) correspond à la définition du Colombanien. À côté de nombreux éclats et nucléus existent des galets aménagés (« choppers » essentiellement), des galets fracturés et des galets à enlèvements isolés, ainsi qu’un outillage léger dominé par les encoches et les denticulés, et comprenant également des racloirs peu variés typologiquement. Le débitage, à dominante « clactonienne », associe cependant parfois des concepts de « débitage discoïde».
Les structures de foyers construits en couches
L’intérêt du site de Menez-Dregan tient aussi à la présence de « structures » attestant des feux entretenus par l’homme, parmi les plus anciennes connues à ce jour. Des structures de combustion, associées à d’abondants débris de charbons de bois et d’os, ainsi qu’à des silex et pierres chauffés, ont été mises au jour dans les couches 9, 7 et 5. En couche 9, il s’agit d’une zone rubéfiée pouvant correspondre à un ancien foyer « en cuvette », dont l’âge présumé avoisinerait les 450 000 ans. Dans la couche 7 a également été mis au jour un foyer en cuvette. La fouille de la couche 5 à révélé à ce jour trois foyers structurés : à la base (5e-6) il s’agit de galets chauffés avec une importante concentration de matières charbonneuses (les datations les situent vers 380 000 ans). En 5c une structure bien construite formée de petites dalles disposées en cercle, avec au centre un fragment de dent d’éléphant, est interprétée comme un ancien foyer vidangé, confirmé par les mesures physiques. En 5d le fond d’un foyer en cuvette a été mis au jour. Rares sont les « foyers » connus de cette époque ; le gisement de Terra Amata à Nice, sensiblement contemporain, en a livré un. [http://www.musee-terra-amata.org/]
Au total ce sont au minimum 6 niveaux d’occupation distincts et stratifiés, alternant avec des venues marines, qui sont présents à Menez-Dregan. Compte tenu des fortes érosions successives, ce ne sont sans doute que les restes ultimes de couches beaucoup plus nombreuses.
La présence des ossements
Outre la présence de cette dent, des ossements de grands mammifères sont apparus en couche 9, associés à l’outillage lithique. Leur mauvais état de conservation a conduit à développer un programme paléogénétique (caractérisation de l’ADN ancien) : ainsi l’existence d’un périssodactyle a pu être détectée. Nous avons donc la preuve que l’homme préhistorique de Menez-Dregan consommait de grands herbivores (chasse ou « charognage »). À noter qu’un kyste de parasite intestinal fossilisé (Toxocara canis) a été détecté, témoignant de la venue de hyènes sur le site occupé par l’homme il y a 400 000 ans.
Des conditions clémentes
Tous les gisements de ce groupe sont situés en bordure du littoral actuel, abrités dans les anfractuosités d’anciennes plateformes marines. Tous sont installés sur les matériaux de plages anciennes, ce qui tend à montrer que les occupations ont eu lieu relativement peu de temps après le début des régressions marines, donc dans des conditions encore assez clémentes. À Menez-Dregan, l’occupation se place dans un contexte paléo-climatique assez tempéré et océanique, mais en cours de refroidissement. Compte tenu de la topographie sous-marine, le rivage marin n’était sans doute pas très éloigné au moment où les sites étaient occupés par l’homme, probablement entre 5 et 10 km.
Pas de restes humains
Dans l’état actuel de la fouille, aucun reste humain n’a été mis au jour. Nous pouvons cependant nous faire une idée de son aspect physique par comparaison avec les ossements trouvés dans le gisement de la Caune de l’Arago (Tautavel, Pyrénées-Orientales), dont les occupations datent approximativement de la même époque [http://www.tautavel.culture.gouv.fr/]. Il s’agirait de « pré-néandertaliens » dont la morphologie a fait l’objet de reconstitutions intéressantes.