Le printemps est sans nul doute la saison la plus attendue de l’année par les gens de la terre. Les mois de mars et avril se partagent une somme de signes annonciateurs de l’éveil de la nature et de son réchauffement :
C’hoario Meurzh pezh a garo / Tu pe du deus ar c’hleuñ a dommo.
Le mois de mars aura beau faire / Un côté ou l’autre du talus chauffera.
C’est ce qui met fin à la léthargie des vipères, que l’on situe souvent aux Rameaux :
Sul ar Bleunioù / A deu an naered ‘maez ar c’hleuñioù.
Le Dimanche des Rameaux / Les vipères sortent des talus.
C’est également le moment choisi par le coucou pour prendre chez nous ses quartiers d’été. Il proclame haut et fort par la répétition de son chant l’arrivée du beau temps :
Ebrelig divaskell an hañv / A lak ar goukoug da ganañ.
Le petit mois d’avril, sur ses ailes de la période claire / Fait chanter le coucou.
C’est encore entre mars et avril que la pie, pig en breton et agasse en gallo, bâtit sa maison et effectue sa première ponte :
Deiz gouel Sant-Matias / A glask ar big he flas.
Deiz Gwener ar groaz / E tev un u e-barzh.
À la Saint-Mathias (24 février) / La pie choisit sa place.
Le Vendredi saint / Elle y pond un œuf.
Experte en prévisions météorologiques, elle établit son nid sur les branches les plus hautes d’un peuplier si elle prévoit une année sèche et calme :
Les nids d’agasse sont haou (haut) / L’été s’ra chaou (chaud).
Ce dicton a son équivalent bretonnant :
Un neizh pig e bleñchenn ar wezenn / Amzer gaer krenn.
Un nid de pie au faîte de l’arbre / Ce sera du grand beau temps.
Si, par contre, elle s’attend à des bourrasques après l’été, elle aura tendance à bâtir son abri plus bas, de peur de le voir s’envoler :
Neizh ar big pa vo izel / Pad ar goañv vo avel.
Quand le nid de pie sera bas / Il y aura du vent en hiver.
L’hirondelle, ar wennilienn en breton et l’arondelle en gallo, cette autre messagère des beaux jours, arrive avec ses congénères à cette même période par vagues successives comme on l’affirme en Haute-Bretagne :
À l’Annonciation (25 mars) / Les arondelles viennent annoncer la belle saison.
Mais attention, c’est parfait si on les voit tournoyer dans l’azur céleste, mais qu’elles se mettent à raser le sol, et il faut redouter l’imminence de la pluie.
Alors, comme on peut s’y attendre en Bretagne, elle n’est pas le seul oracle du temps maussade. La croyance populaire attribue aussi ce pouvoir au pivert :
Klevet ‘vez ar gazeg-koad / Seblant dour zo moarvat.
On entend le pivert / C’est signe de pluie, à coup sûr.
Selon la légende, il n’aurait droit de s’abreuver qu’aux seules gouttes d’eau du ciel. C’est pourquoi il se réjouit à l’approche d’une ondée en faisant entendre son rire saccadé : Pllée, pllée, pllée, en gallo et Gleb, gleb, gleb ! (pluie, pluie, pluie !) en breton.
En Haute-Bretagne, la grive participe aussi à l’annonce des chutes de giboulées :
La pllée n’est pas loin, on oué la tréye.
La pluie est proche, on entend la grive, disent les paysans gallos à qui, si on l’écoute bien, elle recommande en termes humains de se dépêcher de finir leur travail : Plus vite, plus vite, plus vite !
Mais en Basse-Bretagne, son chant est plus souvent signe de froidure au début de l’année :
Pa glevfet an drask o kanañ / Serret koad da dommañ.
Quand vous entendrez chanter la grive / Ramassez du bois pour vous chauffer.
On a su encore traduire son message d’alerte par des paroles humaines :
Arri eo an amzer griz / Kas keuneud d’an ti
Skilhoù hir / skilhoù hir / skilhoù hir !
Voici les frimas / Rentre du bois de chauffage
De longues bûches, de longues bûches, de longues bûches !
Et pourtant, très tôt dans l’année, c’est le merle, dit-on, qui la prend de vitesse en pressentant par ses trilles une nouvelle offensive du froid qui fait dire au paysan :
Pa gan ar voualc’h araok an drask
An hini n’eus ket a geuneud c’hall mont ga glask.
Quand le merle chante avant la grive
Celui qui n’a pas de bois de chauffage peut aller en chercher.
C’est enfin le hululement de la chouette qui avertit d’un possible coup de gel, seblant rev. Gallèsants et bretonnants disent qu’elle a froid aux pieds : Elle a frê ès piès, riv deus d’he zreid et, disent-ils, elle souffle sur ses ongles pour se réchauffer, c’hwezhañ ‘ra en hec’h ivinoù.
Cette nichée de dictons montre à l’évidence combien l’homme vivant en contact étroit avec la nature savait autrefois en interpréter les signes avec l’aide de la gent ailée.