Après floraison, certaines plantes, comme l’arum sauvage, la bryone, ou le chèvrefeuille, portent des baies qui sont toxiques. La couleur rouge vif de leurs belles grappes de fruits ne manque pas d’attirer l’attention des petits gourmands élevés dans la nature. C’est pourquoi, plutôt que de dire qu’il ne fallait pas les manger, ce que nous aurions inévitablement cherché à faire, nos parents trouvaient le moyen de nous en dissuader en nous racontant qu’elles étaient le régal des vipères et qu’il en rôdait toujours une dans leurs parages.
Alors nous nous en écartions d’autant plus que les noms donnés en breton à ces boules rouges : boulloù-(n)aered, boued-(n)aered, bara-naered, c’est à dire nourriture, boules ou pain de vipères, comme en gallo, pain de caleuve, rézin d’caleuve, finissaient de nous convaincre. Avec la même mise en garde, on mettait encore les digitales burlu et la bourdaine au menu des reptiles en les appelant, le premier fleur aered, fleur des vipères, et le second koad aered, bois des vipères avec ses baies noires.
Pour éviter un empoisonnement, on faisait appel à un autre animal tout aussi repoussant, le crapaud, en l’associant aux champignons qui de ce fait ne voyaient pas la couleur des tables paysannes. Ainsi, étaient-ils nommés : skabell touseg, bonbon touseg ou boued toñseg, tabouret de crapaud, bonbon de crapaud, nourriture de crapaud. C’est une crainte partagée chez nos voisins d’outre-Manche où ils sont connus sous les noms de toadstools, tabourets à crapauds.