Le pasteur gallois E. W. L. Davies, qui a chassé à courre dans les monts d’Arrée vers 1855, a apporté un témoignage de première main sur la relation des Bretons au loup : « Une pénible sensation régnait par suite de la récente disparition de la petite fille d’un paysan du voisinage du Huelgoat. Une pauvre gamine de six ans avait reçu de ses parents, comme c’est la coutume dans cette contrée, la garde d’un petit mouton noir [...]. La croyance des paysans sur l’inviolabilité des personnes humaines par le loup restait forte et inébranlable [...] et ils firent d’actives battues pendant de longs jours et même des semaines. Quelques paysans en arrivèrent à conclure que c’était le loup-garou. Six semaines s’étaient passées quand un charbonnier la retrouva. Elle avait en fait poursuivi le loup qui emportait son mouton ! »
En fait, les Bretons considéraient qu’un loup s’attaquant aux humains n’était pas « normal ». Ils rejoignaient en cela les contemporains des guerres de la Ligue (fin XVIe siècle) proposant la même explication selon le chanoine Moreau : « Telles ruses de ces bêtes sont à peu près semblables à celles de la guerre, et mirent dans l’esprit du simple peuple une opinion que ce n’étaient pas loups naturels, mais que c’étaient des soldats déjà morts qui étaient ressuscités sous forme de loups [...] et, communément, parmi le menu peuple, les appelaient-ils en leur breton, tut-bleis, c’est à dire gens-loups ».
D’ailleurs, la plus connue des invocations contre le loup ne consiste-t-elle pas à distinguer un danger mineur – le loup – qui relève de saint Hervé, d’un danger majeur – créature diabolique – qui relève de Dieu : « Si tu es Guillou, par saint Hervé va-t’en ; si tu es Satan, au nom de Dieu, va-t’en ! »