Lors de son ultime collaboration avec La Vie au Grand Air, en mars 1917, Lucien Petit-Breton se demande « combien d’entre nous auront disparu » à la « reprise des vélodromes ». Si, a posteriori, la phrase peut paraître prémonitoire, elle dit surtout le poids du deuil. Comment pourrait-il en être autrement, lui qui a connu la douleur de perdre son frère cadet, Anselme, le 6 juin 1915, à Moulin-sous-Touvent, dans l’Oise ? Jamais blessé durant le conflit, Lucien Mazan perd la vie lors d’un banal accident de la route. Il rejoint alors son frère sur la longue liste de coureurs « morts pour la France ». Ce faisant, il devient, au même titre qu’Octave Lapize et François Faber, également vainqueurs du Tour de France, le symbole d’une génération de cyclistes éprouvée par la Grande Guerre.
Terre de cyclisme, la Bretagne vélocipédique paye naturellement un lourd tribut aux tranchées. Dès l’automne 1914, elle voit disparaître Frank Henry qui, selon plusieurs observateurs, était l’un des plus gros espoirs du cyclisme hexagonal. Il était, avant la guerre, le seul coureur breton en mesure de succéder à Lucien Mazan au plus haut niveau. D’autres, moins connus, connaissent un destin similaire à l’image de Francis Le Bars, d’Yves Le Goff, ou des frères Dalino. Leur absence dans les pelotons laisse durant de nombreuses années un vide qui rappelle à quel point la guerre a éprouvé le cyclisme breton.