Cinquante ans après les enquêtes, des critiques subsistent, dénonçant les méfaits d’une entreprise parisienne, où des chercheurs, ne parlant pas le breton, n’auraient pas compris grand-chose aux Plozévétiens. On évoque aussi les violentes réactions à la publication du livre d’Edgar Morin, La Métamorphose de Plodémet. Comme si une mémoire collective avait, préférentiellement, retenu les réactions négatives rapportées, à l’époque, par certains médias locaux, comme lors de cette émission à la télévision régionale en mars 1968, Plozévet contre Plodémet, désormais en ligne. On peut, aussi, en venir à considérer cet auteur comme initiateur et responsable de l’ensemble des enquêtes, même des films, et donc d’être comptable de tout ce qui a pu irriter. Mais pratiquement jamais on ne revient sur le contenu d’un livre, dont avec le recul on pourrait pourtant mieux apprécier la pertinence ou l’errement des analyses.
Sans revenir sur les détails de cette polémique que l’on pourra trouver ailleurs et sur laquelle Edgar Morin s’est exprimé à plusieurs reprises, rappelons seulement qu’elle est double. D’un côté, certains éléments du livre ont fortement exaspéré plusieurs « personnalités » plozévétiennes, notamment des élus et des enseignants, parce que, selon elles, ils donnaient une image très négative de Plozévet, l’écriture même du livre les ayant profondément irritées. Procédure illusoire, le changement des patronymes et des toponymes a soulevé d’abord la curiosité, puis des désapprobations. Les gens cherchant à se reconnaître (parfois, à tort) et à identifier les autres, le tableau d’une petite comédie humaine plozévétienne s’est dessiné et dévoilé aux yeux de tous. D’où la dénonciation d’un livre plein de « cancans » du genre « Clochemerle ». Par ailleurs, le parti pris de rester fidèle à la singularité des faits et des hommes a induit une lecture où l’accessoire, le secondaire, le contingent sont devenus centraux. Enfin, l’emploi de néologismes a pu susciter méprises et incompréhensions.
De l’autre, cette publication a subi les foudres de certains chercheurs et de responsables de la DGRST. Elle fut dénoncée parce que n’ayant pas été autorisée au préalable, mais aussi sous le double reproche contradictoire d’être le simple plagiat d’autres recherches, tout en étant truffée d’erreurs. Informé tout à fait par hasard du risque d’être sanctionné par un blâme scientifique, Edgar Morin a réagi auprès de la DGRST par la demande d’une commission d’enquête, dans le double but de faire la lumière sur ses éventuelles fautes et d’examiner les contributions des autres équipes, sous l’angle de leur financement et de leurs résultats. Une façon de montrer qu’il avait accompli un travail considérable avec peu de moyens, au regard d’autres recherches ayant produit moins d’écrits, tout en bénéficiant de crédits plus considérables. Finalement, tout s’est perdu dans les méandres d’un Mai 68 ayant vu se désagréger la coalition temporaire entre jeunes chercheurs contestataires et mandarins institutionnels, et l’affaire administrative en est restée là : ni commission d’enquête, ni blâme. Mais pendant des années, cette double polémique a pesé sur la prise en considération des enquêtes plozévétiennes. Cela jusqu’à la fin des années 1990 où un regard historique a commencé à être porté sur elles.