Les dynamiques des espaces productifs dans la mondialisation
La mondialisation des échanges
À l’époque moderne, les historiens nous disent que 90 % de ce qui est nécessaire à la vie des gens est obtenu dans un périmètre de 7 kilomètres autour de leur habitation (Pierre Chaunu, Fernand Braudel). Aujourd’hui, de moins en moins de personnes produisent ce qui est directement nécessaire à leur vie quotidienne (se nourrir, se vêtir, se chauffer, etc.). Contrairement à jadis, la quasi-totalité de ce que l’on consomme est en provenance de territoires lointains. La mondialisation peut être définie comme la tendance à la généralisation de certaines pratiques, objets, façon de concevoir et d’entrevoir l’espace et le temps. Elle se manifeste par de multiples éléments très concrets (la diffusion de l’automobile, des tee-shirts et des jeans, du Coca-Cola, de l’adresse IP, etc.). Ce processus s’est emballé à partir de la révolution des transports et a bouleversé l’organisation des espaces productifs.
Le choc de l’ouverture au monde
En effet, avant la révolution industrielle, les sociétés locales sont très dépendantes de leur environnement immédiat pour satisfaire à leurs besoins primaires. En Bretagne, cette situation se perpétue très tard, au moins jusqu’aux années 1950, avec à l’époque la présence de multiples fermes familiales produisant chacune leur beurre, leur cidre, coupant le bois de chauffe, etc. Cette situation a été bouleversée par l’essor de la mécanisation, qui a progressivement créé une « agriculture sans bras ». Peu à peu, les volumes de la production ont été multipliés par 10 000 alors que les agriculteurs étaient de moins en moins nombreux.
Parallèlement, le phénomène d’industrialisation a suscité l’essor de productions de masse et de plus en plus standardisées. Par exemple, avec le chemin de fer et l’ouverture à la concurrence, les paludiers de Guérande sont fortement concurrencés par les salines du Midi et menacent de disparaître. La Bretagne est un temps déstabilisée par une industrialisation externe alors qu’elle reste profondément rurale. Du coup, 1,3 million de Bretons sont obligés de quitter le pays entre 1832 et 1960 !
À l’inverse, les années 1960 connaissent un processus d’industrialisation tardif mais très rapide, initié ici par le CELIB. L’installation de Citroën à Rennes ou l’obtention du CNET à Lannion bouleversent soudainement la donne et la Bretagne apparaît comme un symbole des progrès générés par les « Trente Glorieuses ». Le désenclavement, l’obtention des voies express, la création du port en eau profonde de Roscoff, l’implantation d’universités initient un nouveau cycle de développement avec une société qui désormais privilégie l’échange et se « tertiarise ». De même, puisque l’économie est désormais ouverte, il faut, pour espérer s’en sortir, savoir lire, écrire, compter… On parle parfois d’un « miracle » éducatif breton mais le phénomène, malgré sa complexité, s’explique en partie.
Productif ?
Peu à peu, les villes se renforcent aussi car elles concentrent de plus en plus les emplois tertiaires. De fait, il devient compliqué de savoir ce qu’est un emploi véritablement « productif ». Selon la vieille classification de Colin Clark, on évoque parfois encore les secteurs « primaire », « secondaire » et « tertiaire ». Toutefois, d’autres isolent les « fonctions stratégiques » ou de décision (P-A Julien), qui exerceraient un rôle important dans le développement économique (P-A Julien). Toutefois, l’importance avérée de l’éducation ou de l’état de santé des populations, l’essor de l’économie sociale et solidaire, très présente aussi en Bretagne, démontre qu’il est aujourd’hui de plus en plus difficile pour les économistes d’établir une frontière précise entre ce qui est « productif » et ce qui ne l’est pas. Avec l’essor des SCOP notamment, on constate aujourd’hui que les systèmes productifs sont loin d’être exclusivement « marchands » au sens financier du terme.