Une pollution intense et localisée

Auteur : Vincent Daumas / mars 2024

Sans avoir de commune mesure avec les activités industrielles des XIXᵉ et XXᵉ siècles, le complexe de Huelgoat-Poullaouen a un réel impact sur l’environnement local. Tout d’abord en termes de déboisement : pour le soutènement des galeries et surtout par la consommation des fourneaux, la Compagnie absorbe, à la fin du XVIIIᵉ siècle, près de 3 000 cordes de bois, 500 000 fagots de petit bois et 12 000 barriques de charbon de bois par an. Cela a un impact direct sur les prix des combustibles, ce dont se plaignent continuellement les habitants de Carhaix, ainsi que sur les autres activités industrielles : les 5 000 hectares de la forêt de Beffou, achetée par la Compagnie, sont rasés en sept ans à peine.

Par ailleurs, l’eau des rivières est intensément polluée par les rejets des laveries. Ces dernières consomment de grandes quantités d’eau pour séparer le plomb de ses impuretés et des boues. La grande majorité du limon sulfuré est rejetée dans les rivières, les polluant sur des dizaines de kilomètres. Jean-François Brousmiche donne une description accablante du site en 1829 : « un immense plateau toujours couvert d’une poussière ou d’une boue noirâtre dont la cause se trouve dans ce que la terre qui les fournit est le produit du lavage du minerai. […] Partout près de la mine est une nature abâtardie ; tout végète, rien ne semble croître sur ce terrain. À la surface du sol, l’herbe se flétrit, les arbres s’élèvent avec peine ; il faut s’éloigner de l’établissement pour trouver de l’ombre. Quand une fumée épaisse et noire s’échappe des cheminées de la fonderie, elle donne au paysage une teinte lugubre. Les eaux qui proviennent de deux étangs peu éloignés de la mine, après avoir servi dans les bocards au lavage du minerai, roulent leurs eaux bourbeuses, saturées de matières morbides, dans un canal qui traverse l’étendue du terrain consacré aux établissements de Poullaouen, et vont plus loin se jeter dans l’Aulne, portant leurs poisons destructeurs à ses bords frais et riants, desséchant les prairies et donnant la mort aux poissons qui peuplent cette rivière. Depuis Poullaouen jusqu’à la jonction de l’Aulne à l’Hyères, dans un parcours de trois à quatre lieues, on ne voit plus un saumon, et c’est de loin en loin que l’on y trouve des truites ou des anguilles ».

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Auteur : Vincent Daumas, « Une pollution intense et localisée », Bécédia [en ligne], ISSN 2968-2576, mis en ligne le 27/03/2024.

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Proposé par : Bretagne Culture Diversité